avril 18, 2024

Les Figures de l’Ombre – Les Trois Grâces

Titre Original : Hidden Figures

De : Theodore Melfi

Avec Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monae, Kevin Costner

Année : 2017

Pays : Etats-Unis

Genre : Biopic

Résumé :

Le destin extraordinaire des trois scientifiques afro-américaines qui ont permis aux États-Unis de prendre la tête de la conquête spatiale, grâce à la mise en orbite de l’astronaute John Glenn.

Maintenues dans l’ombre de leurs collègues masculins et dans celle d’un pays en proie à de profondes inégalités, leur histoire longtemps restée méconnue est enfin portée à l’écran.

Avis :

Le cinéma hollywoodien est assez formaté pour plonger le spectateur toutes les années dans ce que l’on appelle communément, les films à Oscar. Il faut dire que la petite statuette est très convoitée et symbolise une réussite personnelle, mais surtout une assurance de faire des entrées dans les salles, comme ce fut le cas pour La La Land de Damien Chazelle. Les Figures de l’Ombre surfe aussi sur une autre thématique qui semble chère à Hollywood, le biopic mettant en avant des valeurs universelles et nécessaires aujourd’hui. Du coup, on pourrait croire que le film va porter tous les atours du film lourd en symbolique et larmoyant au possible, afin de toucher au plus profond les spectateurs. Le débat semblait prêt à être lancé, sauf que derrière la caméra, on retrouve Theodore Melfi, un cinéaste encore peu connu, qui n’a à son actif qu’un comédie indé, St Vincent et qui a signé le scénario de Braquage à l’Ancienne, sortant au cinéma au mois d’Avril. Du coup, tous les doutes sont permis autour de ce film.

Mais finalement, Les Figures de l’Ombre s’émancipe, au même titre que ses héroïnes, de tous les apanages du film à Oscar. Si on retrouve des thématiques lumineuses qui prônent la tolérance, le respect et surtout l’universalité des humains, ce film est surtout nécessaire en ces temps si troublés autour d’un racisme latent et d’un irréductible retour en arrière au niveau des modes de penser. En effet, Les Figures de l’Ombre raconte l’histoire vraie de trois femmes afro-américaines bossant pour la NASA et qui à force de combat et d’abnégation, vont réussir à devenir importantes au sein de l’entreprise, à un tel point qu’elles participeront toutes à des envois de navette dans l’espace. Perdu entre la fascination du voyage spatiale et une histoire humaniste, Theodore Melfi signe un grand film sur la tolérance et l’amour, mais aussi et surtout sur la nécessité d’un but commun afin d’annihiler toute haine raciale. Et c’est peut-être là le plus important sujet du film, ce combat interne au sein d’une grande institution de trois femmes qui vont tout faire pour combattre les préjugés et ainsi installer une égalité des races.

Et si tout semble un peu trop utopique dans ce métrage, le réalisateur n’oublie de montrer les horreurs de l’état de Virginie, toujours en vigueur aujourd’hui avec la loi Jim Crow, qui met les gens de couleur dans un endroit et les autres personnes ailleurs. Une loi ségrégationniste qui semble ubuesque aujourd’hui et qui pourtant existe toujours. Avec ce métrage, le cinéaste met en lumière des aberrations racistes qui font mal et qui mettent le doigt sur une réalité toujours autant d’actualité, et peut-être encore plus avec l’élection de Donald Trump. Cependant, il ne tombe jamais dans le pathos ou le lourd pour tirer les larmes des spectateurs ou les indignations. Plutôt que de fournir un pamphlet de tolérance binaire, Theodore Melfi choisit de rendre son film lumineux, souvent drôle, mais toujours juste avec des personnages très intéressants, mais jamais mauvais, ou tout du moins, qui s’emploient à avoir une rédemption par la suite. Et c’est là l’un des points forts du film, car la galerie de personnages est conséquente, mais personne n’est laissée sur le carreau et tout un chacun apporte un peu de brillance dans ce monde si divisé.

Ainsi, le film se concentre beaucoup sur le personnage de Katherine, une mathématicienne de talent qui va tenter sa chance pour s’imposer en laissant parler son génie. Mais le film ne se contente pas seulement de suivre sa vie professionnelle, puisque les moments les plus touchants seront dans sa vie privée, pas toujours tendre, mais dans laquelle elle exprime sa féminité et sa force de caractère. Ce sera la même chose pour ses deux amis, Dorothy, une mère qui prône la tolérance et l’éducation et qui s’impose avec du culot et Mary, une jeune femme dynamique qui deviendra la première afro-américaine à devenir ingénieur à la NASA. Ces trois portraits se ressemblent, se suivent, formant une entité compacte et importante. Même les seconds rôles sont intéressants et intelligemment amenés. Si Kevin Costner joue les gros durs au départ, il ne laisse transparaître aucun doute sur son humanité et sa tolérance. Il campe un personnage beau, à la morale parfaite et touchante. Même Jim Parsons, au départ jaloux et presque méchant, est un faux mauvais qui sera s’adoucir avec le temps. Bref, dans ses choix, le réalisateur tire le meilleur de ses personnages, rendant le tout lumineux et terriblement porteur de valeurs si essentielles de nos jours.

Bien entendu, le film est magnifié par un mise en scène qui propose des séquences intimistes avec des séquences plus imposantes, comme le vol des fusées. Ne tombant jamais dans le démonstratif, Theodore Melfi livre une réalisation aérée qui laisse beaucoup de place à une lumière chaude et à des mouvements fluides. Rien n’est superflu, le cinéaste ne cherche pas forcément à taper dans l’œil et il livre une prestation plus que correcte qui flatte parfois les rétines avec une luminosité éclatante et des moments touchants. Le film est aussi porté par une bande-originale qui donne envie de danser et qui colle parfaitement à la musique afro-américaine des années 60, à savoir du blues ou du jazz enjoué. Enfin, le dernier bon point de ce film, et pas des moindres, c’est qu’il est doté d’un rythme parfaitement maîtrisé. En effet, le réalisateur arrive à jongler entre les moments de tension à la NASA, puis les moments plus doux à la maison, pour glisser par moments des situations comiques qui permettent de donner au film un rythme soutenu devant lequel on ne s’ennuie jamais.

Au final, Les Figures de l’Ombre est une grande réussite et semble être un film important, surtout par les temps qui courent. Pointant du doigt le racisme exacerbé et injuste des années 60, le film fait immédiatement écho à notre époque, afin de montrer que pratiquement rien n’a changé en plus de 50 ans. Mais le plus important, c’est que le réalisateur livre parfaitement son message tout en y apportant une joie intense et une luminosité incandescente, faisant de son film une pépite à découvrir rapidement.

Note : 18/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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