mars 28, 2024

Moriarty – Le Chien des d’Urberville – Kim Newman

Auteur : Kim Newman

Editeur : Bragelonne

Genre : Thriller

Résumé :

Imaginez les jumeaux maléfiques de Sherlock Holmes et du docteur Watson, et vous obtiendrez le redoutable duo formé par le professeur James Moriarty, serpent rusé d’une intelligence remarquable, aussi cruel qu’imprévisible, et le colonel Moran, violent et libertin. Ensemble, ils règnent sur Londres en maîtres du crime, défiant police et hors-la-loi. Quelle que soit leur mission, du meurtre au cambriolage de haut vol, Moriarty et Moran accueillent un flot de visiteurs malfaisants, dont une certaine Irène Adler…

Avis :

Prolonger la durée de vie d’un personnage littéraire mythique n’est pas nouveau, mais ce concept s’est sans doute démocratisé avec Sherlock Holmes et ses innombrables adaptations, pastiches et autres récits du même acabit. Selon le talent et les volontés des auteurs ou des responsabilités engagées, il en résulte un niveau de qualité assez large. On côtoie aussi bien le meilleur, comme le pire. Pour autant, Kim Newman s’essaye à cet exercice ô combien périlleux avec Moriarty. Titre similaire au roman d’Anthony Horowitz, sous-titre évoquant l’une des plus célèbres histoires de Conan Doyle, couverture et résumé aguicheurs… Le géniteur d’Anno Dracula parvient-il à dépeindre avec soin la face obscure d’une œuvre intemporelle ?

Comme le laisse présager le titre, Sherlock Holmes occupera une place secondaire au sein de l’intrigue, celui-ci n’apparaît que ponctuellement et, point de vue de son antagoniste oblige, sa figure se réduit à un benêt sans cervelle. Ce n’est pas la première approche que l’on a du livre, mais il faut bien reconnaître que cet aspect caricatural en refroidira plus d’un. Quand bien même on se trouve en compagnie de Moriarty, il aurait été bienvenu de ne pas trop négliger ce point. Surtout lorsqu’on connaît le respect mutuel que se voue ces deux ennemis jurés. Pour autant, il ne s’agit là que d’un détail perdu dans un amas informe et compact.

Derrière une décomposition en chapitre se cachent en réalité sept nouvelles distinctes pouvant se lire dans l’ordre chronologique ou non, selon les envies. Rien de préjudiciable jusqu’alors. D’ailleurs, la préface apporte une petite touche fantaisiste à l’ouvrage. Tel Watson écrivant les aventures de Holmes, choisir le colonel Moran en tant que narrateur des méfaits de Moriarty se révèle judicieux. On s’arrête là pour le stade des bonnes intentions. Malheureusement, on déchante bien vite. Est-ce la plume de l’auteur, sa propension à parler pour ne rien dire ou la navrante simplicité des intrigues ? Toujours est-il que l’ennui se mêle à la déception au fil des pages.

Noyé dans une multitude de détails inutiles et agaçants, Moran s’appesantit sur ses exploits de chasseur et son statut de héros britannique. Des compétences de tueur, un instinct surdéveloppé et un ego gros comme la Minette de Kali (comprendrons ce qui auront lu le livre). C’est comme si un bodybuilder se contemplait dans la glace en embrassant ses muscles ! À force de se perdre dans des digressions, qui finissent elle-même par s’égarer dans d’autres incartades, on en oublie de dépeindre le Londres victorien si bien que l’atmosphère demeure au point mort. Pires que cela, les histoires n’ont rien d’intéressant à offrir à plus ou moins long terme.

Un assassinat et une prise d’otage pour Un volume en vermillon (l’allusion à Une étude en rouge n’est que dans le titre), un braquage pour Désordre à Belgravia ou un problème de maths visant à encenser l’intellect de Moriarty dans La ligue de la planète rouge… On pourrait également s’appesantir sur le fameux Chien des d’Urberville dont le ridicule tient de l’affront au regard du Chien des Baskerville. Parodier ou détourner, c’est bien ; encore faut-il le faire d’une manière censée et consciencieuse. Chaque nouvelle se révèle donc d’une banalité sidérante, mais d’une régularité exemplaire quand il s’agit d’atermoyer et de se complaire dans des séquences rocambolesques et inutiles.

Et Moriarty dans tout ça ? Son fidèle acolyte lui vole la vedette. Quelques flatteries de bas étage, des interventions sporadiques et des retournements de situations aussi basiques qu’alambiquées pour faire valoir son génie. Voilà la place allouée à l’une des plus grandes figures du crime dans un livre qui porte son nom ! On est bien loin du personnage créé par Conan Doyle pour rivaliser (et tuer) Sherlock Holmes. En d’autres termes, le Moriarty de Kim Newman fait pitié en jouant les guest-stars dans un ouvrage qui lui est pourtant consacré. Ce dernier aurait très bien pu s’appeler Moran pour la forme, cela n’aurait fait aucune différence !

Piètre incursion dans l’univers de Conan Doyle que ce Moriarty signé par un écrivain qui s’était déjà amusé à atténuer considérablement un mythe littéraire avec sa trilogie Anno Dracula. À aucun moment, Kim Newman ne parvient à capter l’attention. Il privilégie un style lourd et dénué d’intérêt pour mieux flouer son lectorat sur les errances de ses intrigues. Laborieux, bavard et d’une complaisance insupportable, Moriarty ne brille que par la qualité de sa couverture. Pour le reste, il n’est qu’une version édulcorée et anecdotique de l’ennemi juré de Sherlock Holmes. Plus qu’une déception, une imposture honteuse et opportuniste.

Note : 05/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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