avril 25, 2024

Mourir d’Aimer

De : André Cayatte

Avec Annie Girardot, François Simon, Bruno Pradal, Monique Mélinard

Année : 1971

Pays : France, Italie

Genre : Drame

Résumé :

D’après l’affaire Gabrielle Russier, professeur amoureuse d’un de ses élèves que l’opposition des parents a acculée au suicide.

Avis :

Dans le paysage du cinéma français, André Cayatte fait figure d’électron libre qui n’a cessé encore et encore à travers ses films d’aborder et dénoncer une justice enfermée dans ses règles. Cinéaste n’ayant pas la langue dans sa poche, il a bien souvent abordé des sujets brûlants aux travers de ses œuvres. On notera que le réalisateur fut même interdit de cinéma à vie, pour avoir réalisé deux films pour la « Continental Films » au moment de la Seconde Guerre Mondiale, car la direction de la société était allemande. Bien évidemment, le réalisateur n’en a pas tenu compte et a ainsi pu livrer des chefs œuvres qui sont aujourd’hui considérés comme des classiques du cinéma français.

Avec « Mourir d’aimer« , André Cayatte s’inspire de l’affaire de Gabrielle Russier, affaire qui avait tourmenté et ému la France de la fin des années 60. Coutumier des sujets brûlants, qui d’autres que lui pouvait revenir avec justesse et réflexion sur la relation qui unit une professeure de lettres d’une trentaine d’années avec l’un de ses élèves d’à peine quinze ans.

Qu’on l’ait apprécié ou non, une chose est sûre, c’est que « Mourir d’aimer » ne laisse pas indifférent. Aussi beau que dérangeant, André Cayatte nous livre une histoire d’amour contrariée et impossible et y dénonce encore une fois une justice fermée, qui n’écoute pas et applique presque bêtement ses règles.

Mai 1968, Danièle est une jeune professeure de lettres d’une trentaine d’années qui savoure la vie. Engagée dans son métier, elle est appréciée de ses élèves pour son sens pratique de l’éducation et des cours. Danièle s’entend très bien avec Gérard l’un de ses élèves de quinze ans. Les deux jeunes gens finissent par se rapprocher et tombent follement amoureux. Danièle n’est pas du genre à se cacher, et quand les parents de Gérard apprennent la liaison, ils s’y opposent fermement. Refusant tout dialogue, ils portent plainte pour détournement de mineur. Peu à peu, l’histoire dégénère et Danièle sera arrêtée puis relâchée, pour être de nouveau arrêtée et ainsi de suite. Gérard fera des allers-retours en hôpital psychiatrique pour être soigné de cette femme, tant qu’il s’opposera à ses parents. Peu à peu, la vie, les lois et les normes brisent ces deux amoureux. Perdue, ne sachant plus pourquoi elle se bat, la justice et les normes vont pousser Danièle au suicide…

« Mourir d’aimer » ou comment aborder un sujet extrêmement difficile avec délicatesse et révolte à la fois.

Adapté d’un fait divers, André Cayatte livre là un film fort en émotions contradictoires. Un film qui fait s’opposer amour et liberté aux lois des hommes et à la raison. Il est difficile de revenir et de poser un avis définitif sur cette histoire, tant elle creuse des sentiments opposés entre l’amour, la passion et la raison et l’éducation.

Et la raison de ces sentiments se trouve en deux points, le premier est assurément l’allure d’homme de ces jeunes adolescents. Une allure aussi physique, on lui donnerait très facilement la vingtaine bien établie, et une maturité assez prononcée. La deuxième, c’est la force d’amour inconditionnelle qui unit ces deux âmes. Une force belle, profonde, sincère que nous avons le privilège de voir. André Cayatte arrive sans mal à faire que l’on est conquis par ces deux amoureux et amants. Mais malgré le fait qu’on soit totalement sous le charme de cet amour unique, la raison relance et brouille les pistes. Ainsi, on se retrouve partagé entre raison et déraison, amour et éducation, liberté et loi, et le film « joue » parfaitement avec ça, pour en faire ressortir tous les défauts, les incohérences et surtout le manque d’écoute. « Mourir d’aimer » résonne comme un plaidoyer de l’écoute. André Cayatte met ici en évidence le fait que la justice s’appuie sur les dires des parents, ne laissant pas de place au dialogue pour un adolescent car mineur. André Cayatte démontre la bienpensante et les dérives de la justice qui se laisse parfois influencer et quand on ressort du film, on se dit qu’avec plus d’écoute et d’équité dans les deux parties, la tragédie aurait pu être évitée.

Ce qui est très bien avec « Mourir d’aimer« , c’est aussi la sobriété avec laquelle André Cayatte traite son film. Le sujet est brûlant, le réalisateur en fait aussi bien une romance qu’un film engagé et social, et malgré le fait qu’André Cayatte n’hésite pas à entrer dans le vif du sujet, évoquant le sexe par exemple ou encore les méthodes immondes des hôpitaux psychiatriques, à aucun moment il ne tombe dans le gratuit. À aucun moment, il pousse son film ou ses personnages pour faire ce qu’on appellerait aujourd’hui le buzz.

On sent une envie profonde de respecter les « victimes « , car finalement, tout le monde ou presque est victime dans cette histoire et c’est là que le film est beau et bouleversant.

« Mourir d’aimer« , c’est aussi un couple sublime. Un couple amoureux, désireux, insouciant, tendre et surtout un couple qui fonctionne parfaitement. Ce couple, c’est Annie Girardot qui trouve là un rôle incroyable dans la peau de cette femme libre, épanouie et amoureuse et Bruno Pradal intense et profond. André Cayatte les a filmés au plus juste, au plus naturel et l’on est franchement touché par ce couple, même si on reste aussi en retrait à cause de cette morale.

Et finalement, le seul petit bémol que l’on trouve, malgré des comédiens géniaux, c’est le côté manichéen des parents, que le réalisateur aurait tendance à un peu trop pousser. Un peu plus de nuances aurait été la bienvenue, aussi bien pour le film que pour nos nerfs.

« Mourir d’aimer » est un film qui bouscule, qui dérange et bouleverse. C’est un film qui amène résolument au débat et sur notre propre ouverture d’esprit. Est-on si libre et ouvert que ça ? Le film est beau, l’amour qu’il transpire est beau, le final est profondément bouleversant, on est pris à la gorge dans sa fiction, mais dans le réel, comment aurions-nous réagit ? Et c’est peut-être cette question qui finalement est la plus importante de tout le film. Comment réagirions-nous en tant que parents face à cet amour ?

Note : 15/20

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Par Cinéted

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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