mars 19, 2024

La Ligue des Héros – Xavier Mauméjean

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Auteur : Xavier Mauméjean

Editeur : Mnémos

Genre : Fantastique, Steampunk

Résumé :

1898 : Londres. L’Angleterre victorienne est en proie aux agressions de Peter Pan et des créatures du Pays de Nulle Part. Pour faire face à la menace, Sir Baycroft crée La ligue des héros et recrute les meilleurs : Lord Kraven, English Bob, Lord Africa ou le Maître des détectives. Ils mènent ainsi une lutte sans fin contre les ennemis issus du peuple imaginaire.

1969 : banlieue de Londres. Un vieil homme est ramené dans sa famille par deux blouses blanches. D’où vient-il ? Qu’a-t-il fait ces dernières années ? Nul ne le sait. Jusqu’au jour où disques de rock et lectures de comics lui font redécouvrir l’aventure, l’héroïsme, l’honneur… et quelques souvenirs.

Avis :

La littérature française a souvent tendance, comme au cinéma, de se regarder le nombril et de mettre en avant des auteurs qui ne pensent qu’aux bons sentiments et aux drames larmoyants. Il va sans dire que cela est assez déroutant, d’autant plus que la France regorge d’auteurs talentueux dans des domaines aussi variés que le polar, le fantastique, la science-fiction ou encore l’horreur. Et si certains sont mis en avant comme Franck Thilliez, Maxime Chattam ou encore Valentin Musso (dans une moindre mesure), les médias de masse ne se bousculent pour les inviter à la télévision ou dans des talk-shows. D’ailleurs, ce refus de mettre l’imaginaire sur le devant de la scène littéraire française revient à renier des origines nobles, puisqu’il faut rappeler que Jules Verne était l’un des pionniers du genre et que ses romans demeurent intemporels et universels. Fort heureusement, certains éditeurs se battent pour mettre en avant des auteurs dignes de ce nom et Mnémos frappe un grand coup avec Xavier Mauméjean et sa Ligue des Héros.

Afin de fêter les vingt ans du premier roman, les éditions Mnémos ont décidé de sortir une intégrale qui regroupe les deux histoires écrites par Xavier Mauméjean, à savoir La Ligue des Héros et l’Ere du Dragon. Deux histoires différentes mais qui se complètent et qui s’organisent autour d’un même monde. Un monde qui oscille constamment entre l’utopie et la dystopie. Ne reniant jamais les origines de Jules Verne ou celles des auteurs britanniques tels que James Matthew Barrie, Edgar Rice Burroughs ou encore Edgar Allan Poe, Xavier Mauméjean digère toute cette culture pour en faire une sorte de melting-pot géant qui ressemble étrangement à La Ligue des Gentlemen Extraordinaires d’un certain Alan Moore. Des auteurs de renom donc, dont l’écrivain ne se cache pas pour citer leur nom en tant qu’inspiration et hommage. Cependant, qu’en est-il vraiment du fond de l’histoire ?

La Ligue des Héros commence de façon assez brutale et il est très difficile de rentrer dans l’univers imposé. Sans jamais citer les vrais noms des héros de la littérature (bien que l’on reconnaisse par exemple Tarzan sous le nom de Lord Africa), la première histoire donne l’impression de rentrer dans un univers qui a déjà des récits auparavant. En fait, on a clairement la sensation de prendre le train en cours de route et c’est assez désagréable. Entre les mémoires séquentielles du héros, Lord Kraven, entre les allers et retours dans l’imaginaire et le présent (1969 tout de même), on reste assez intrigué par ce que l’on lit, surtout que les bribes de mémoire sont sous forme de récits héroïques, un peu comme s’il fallait lire les histoires écrites auparavant. Fort heureusement, cette sensation disparait à la fin de l’œuvre, qui donne des réponses à toutes les questions.

La deuxième histoire s’insère comme une suite directe avec toujours les mêmes personnages mais dans un fond plus complexe mêlant politique et aventure. En plein dans le récit pulp des années 30, l’auteur s’en donne à cœur joie pour fournir une histoire étrange, mais plus simple que précédemment. La sensation de louper des choses est moins prégnante et surtout, on a eu le temps de s’imprégner de tous les protagonistes comme Lord Africa, le Maître des Détectives ou encore Lord Kraven et sir Baycroft, alter ego de Winston Churchill. Et c’est là que l’on va saisir toutes les subtilités de l’écriture de Xavier Mauméjean, qui semble être une véritable encyclopédie de la littérature britannique. Les univers se croisent à l’image du pays de Nulle Part de Peter Pan, véritable méchant de l’histoire, enfant capricieux et facétieux qui détient un pouvoir immense. Naviguant entre plusieurs genres et offrant parfois des moments épiques, avec ce qu’il faut de méchants caricaturaux et de péripéties héroïques, La Ligue des Héros ne lasse pas, et offre une alternative intéressante sur Peter Pan et son monde.

C’est d’ailleurs là-dessus que le livre dans son intégralité est le plus intéressant. Mettant en avant le monde de J.M. Barrie pour le détourner avec son peuple imaginaire, Xavier Mauméjean redonne ses lettres de noblesse au fantastique et à ces récits populaires pour la jeunesse qui regorgent parfois de différents niveaux de lecture. Et comment ne pas applaudir les corrélations que fait l’auteur avec d’autres personnages tels que Robin des Bois, qui ne serait que la première apparition du faune facétieux. Pour compléter cette intégrale, on trouvera à l’intérieur deux nouvelles. Il Etait Reveneure, qui raconte une bataille durant la première guerre mondiale en superposant le monde d’Alice au Pays des Merveilles et le résultat est surprenant mais tout simplement incroyable de justesse et d’imagination. Puis on trouvera aussi Raven K., qui serait un journal intime de Lady Wendy, alors qu’elle est dans le camp de Ravensbrück avec les fées, consignant toutes les horreurs des nazies dans un monde où sirène, pirates et garçons perdus sont présents. Un récit percutant, d’une écriture incroyable et qui fait étal de tout le talent de l’auteur.

Au final, La Ligue des Héros est un roman difficile d’accès par les mondes qu’il mélange, demandant une certaine connaissance. La sensation aussi de prendre une série en cours est assez désagréable, mais l’auteur se rattrape sur la fin, pour happer son lecteur dans un monde merveilleux. Il en résulte une œuvre steampunk incontournable, qui a ses défauts, mais aussi ses avantages, à savoir un monde unique, sorte d’hommage à la littérature anglo-saxonne, et un style d’écriture d’une grande finesse et d’une justesse percutante. Bref, un très bon recueil dont il serait dommage de se priver.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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