avril 20, 2024

L’Origine du Monde – Philip Le Roy

9782749145143

Auteur : Philip Le Roy

Editeur : Cherche Midi

Genre : Thriller

Résumé :

Sabbah Shabi a fui la Syrie après avoir dérobé à une secte judéo-chrétienne millénaire trois preuves qui remettent en question 1 400 ans d’histoire. Traquée, la jeune franco-syrienne, enceinte de quatre mois, trouve refuge dans le Nagaland au sein de la confrérie du Serpent. Elle y fera une découverte exceptionnelle : la confrérie protège de précieux manuscrits menacés de destruction, dont un rouleau biblique de Qumrân qui rétablit la vérité sur les origines de l’humanité. Susceptible d’ébranler les fondements des trois religions monothéistes, ce texte révèle aussi l’existence d’un trésor inestimable qui peut sauver le monde. Mais Sabbah a entraîné le mal dans son sillage…

Avis :

Si la principale vocation du thriller ésotérique est de s’attaquer aux idées reçues et aux impostures de l’histoire, le genre est également plébiscité pour des intrigues dynamiques, un contexte réaliste et un cadre qui sort souvent de l’ordinaire. Avec La porte du messie, Philip Le Roy se penchait sur les fondements du Coran d’une manière très intéressante sans pour autant susciter une vive polémique. Il en résultait quelques maladresses sur la forme, mais le roman valait le détour pour le contenu qu’il véhiculait. L’origine du monde peut être considéré comme sa suite directe puisque l’on retrouve le personnage de Simon Lange au centre de toutes les attentions. Un deuxième opus du même acabit que son prédécesseur ?

Avec un titre qui laisse augurer de grandes ambitions (tout comme la couverture évoque un sujet brûlant), L’origine du monde suscite d’abord l’étonnement. D’ailleurs, l’introduction qui n’est pas sans rappeler Jésus vidéo, un roman signé Andreas Eschbach. Curieusement, on a l’impression que cette entame ne sert qu’à ameuter le chaland. Dynamique et, efficace, certes. Néanmoins, elle n’apporte rien à l’intrigue. Pire que cela, elle ne possède aucune réelle justification par la suite. L’illusion fonctionne un temps lorsque l’histoire nous emporte dans une succession de péripéties plutôt bien écrites et cohérentes. Seulement, l’on déchante bien vite une fois le premier tiers passé.

Là où le récit semblait avoir trouvé son rythme de croisière, on nous inflige une orientation narrative pour le moins surprenante, dans le mauvais sens du terme. Au lieu d’étayer ses propos comme dans La porte du messie, l’auteur va s’appesantir dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler quelques ouvrages de développement personnel. L’approche est similaire à l’œuvre de Laurent Gounelle, la manière d’appréhender des grandes leçons de vie l’est beaucoup moins. D’une part, l’on ne s’attend pas à une progression aussi lénifiante dans un thriller ésotérique. D’autre part, la profondeur des paroles tenues par des érudits de tout bord démontre leur culture et leur savoir, sans pour autant créer d’intenses réflexions sur le devenir de l’homme en tant qu’individu et en tant que communauté.

Avec une utopie de façade qui fonctionne sur la tolérance et le pacifisme, on plonge dans un trip baba cool un peu périmé compte tenu du contexte et des mentalités. Un constat teinté de cynisme ? Peut-être, mais l’organisation de la Confrérie du serpent possède également ses codes qui, dépourvus de tout consumérisme, ne les empêchent guère de se montrer un rien condescendant en se hissant au-dessus de la masse. De plus, l’intrigue se ponctue constamment d’une playlist censée apporter une nouvelle dimension à l’action. Entre les paroles des chansons (traduites ou non), ce qu’elles illustrent et l’interprétation qu’en font les protagonistes, on a l’impression de plonger dans une sombre comédie musicale, les danseurs en moins. À ce titre, le départ de la Confrérie du serpent en est un exemple frappant.

L’on peut croire ensuite que le livre va revenir aux choses sérieuses. Sauf que les longueurs évoquées un peu plus haut débouchent sur des retournements aberrants et peu crédibles. Un peu comme si l’on se confondait dans des ficelles narratives sans parvenir à démêler le nœud du problème. Ce n’est pas déstabilisant, mais frustrant de voir une intrigue immersive s’éparpiller aux quatre vents de cette manière. Et ce ne sont pas les protagonistes qui rattraperont la donne avec des réactions relativement agaçantes. Leurs caractères pâtissent d’ébauches éculées si bien que la dérive spirituelle et physique de Simon en devient pathétique et pénible à suivre.

On retiendra une thématique pourtant passionnante où toutes les religions sont concernées par de nouvelles révélations. Si celles-ci jouent encore sur des interprétations biaisées au gré des époques, elles offrent un point de vue différent sur les croyances actuelles et la manière dont les masses et les élites les accaparent à leur seul profit et confort personnel. Si la documentation est moindre par rapport au précédent opus et l’approche moins percutante, le livre mérite que l’on s’y attarde pour cet aspect ; quand bien même ce dernier paraît secondaire au fil des pages pour se perdre en conjectures et palabres incessantes.

Au final, L’origine du monde est une déception. Au regard de ce que Philip Le Roy avait initié avec La porte du messie, on espérait un roman plus maîtrisé que cet ersatz maladroit. L’intrigue s’essouffle très rapidement au profit d’une vision ennuyeuse et complaisante d’une quête censée changer la face du monde. Derrière ses airs de leçons de vie qui ne touchent guère (il ne suffit pas de quelques citations piochées çà et là pour réveiller les consciences), L’origine du monde se perd dans une succession de péripéties convenues. On a beau trouver le sujet principal fascinant, son développement chaotique empêche de pleinement apprécier l’ouvrage. Il en ressort une grande frustration compte tenu de son potentiel.

Note : 09/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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