mars 28, 2024

Bioshock Rapture – John Shirley

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Auteur : John Shirley

Editeur : Bragelonne

Genre : Science-Fiction

Résumé :

C’était la fin de la seconde guerre mondiale.

Le New Deal du président Roosevelt avait redéfini la politique américaine. Les impôts avaient atteint un pic sans précédent. Les bombardements de Hiroshima et Nagasaki avaient créé la peur de l’annihilation totale. La montée d’agences gouvernementales secrètes avait rendu la population méfiante. Le sentiment de liberté des États-Unis s’était étiolé… Et nombreux étaient ceux qui voulaient retrouver cette liberté.

Parmi eux, un grand rêveur, un immigré qui s’était élevé des plus profonds abysses de la pauvreté pour devenir l’un des hommes les plus riches et les plus admirés au monde. Cet homme s’appelait Andrew Ryan, et il avait la conviction que les grands hommes méritaient ce qu’il y avait de mieux. Alors il se mit en quête de l’impossible, une utopie libre de tout gouvernement, de toute censure, de toute restriction morale sur la science, où ce qu’on donnait on le recevait en retour. Il a créé Rapture, la lumineuse cité sous les mers.

Mais l’utopie a été frappée d’une terrible tragédie.

Voici comment tout a commencé… et tout a fini.

Avis :

Rares sont les jeux qui parviennent à marquer les mémoires sans qu’ils pâtissent du poids des années. Se cantonner aux graphismes, suivre un rythme effréné ou tout autre subterfuge destiné à en mettre plein la vue pour un plaisir immédiat… Ce type de considérations relègue bon nombre de titres à de simples produits de consommation qui, reconnaissons-le, vieillit assez mal avec le temps. Or, la saga Bioshock est une exception qui ne se contente pas de révolutionner un genre (en l’occurrence, le FPS), mais d’imposer une identité si forte qu’elle se hisse au panthéon des meilleurs jeux vidéo conçus à ce jour. Si un tel succès est mérité, son adaptation littéraire n’allait pas forcément de soi. Une surprise qui aura mis cinq ans à atteindre l’hexagone. Le livre est-il à la hauteur de son illustre modèle vidéoludique ?

Si novellisation il y a, elle ne reprend pas bêtement le scénario du premier ou du second volet (il s’agit de Rapture et non de Columbia, la cité flottante de Bioshock Infinite, le troisième opus). En effet, l’intrigue se concentre sur la genèse de la ville sous-marine. Les faits s’étendent de 1945 à 1959 et offrent un aperçu inédit au joueur/lecteur. Ce n’est pas pour autant que les personnes ne connaissant pas l’univers de Bioshock sont lésées. Certes, on retrouve les protagonistes du jeu (du moins, en partie), ainsi que de nombreux clins d’œil et d’explications sur des éléments particuliers, mais l’histoire demeure parfaitement intelligible pour les profanes.

Dans un contexte post-seconde guerre mondiale des plus réalistes, on plonge progressivement vers des influences steampunk qui, à leur tour, se tourneront vers la dystopie. Dans une telle entreprise, le discours politique est palpable. L’avenir des démocraties, la crainte du nucléaire ou encore la notion de liberté… Les dialogues sont ponctués de réflexions et de joutes orales pertinentes qui remettent en question la place de tout un chacun au sein de la société tout en considérant la nature même de cette dernière. Rien de rébarbatif à appréhender des propos on ne peut plus judicieux pour justifier l’existence de Rapture et des promesses qu’elle sous-tend. La suite des événements n’en est que plus percutante.

John Shirley, écrivain déjà habitué à la novellisation avec Predator et Watch Dogs, retranscrit avec brio l’atmosphère des titres de 2K Games. Il est vrai que la première partie peut paraître longue pour mettre en place les divers tenants. Pour autant, on se plonge sans mal dans les méandres de Rapture. En étalant les faits sur plus d’une décennie, l’intrigue prend le temps de développer ses personnages autant que son ambiance si singulière. Il en découle une succession de points de vue et de portraits qui offre un aperçu exhaustif de la situation sous la surface. Expériences scientifiques, montée des extrémismes, chômage… Des écarts sociaux qui ont tôt fait d’attiser la flamme de la révolte.

L’histoire joue constamment sur le fil du rasoir avec un climat oppressant (on se retrouve coincé au fond de l’océan Atlantique) et tendu (les conséquences d’une telle promiscuité). À cela, s’ajoute la petite touche horrifique qui présente des scènes assez saisissantes dans leur exposition. Ce n’est peut-être qu’un élément secondaire, mais il a le mérite d’appuyer la sensation de claustrophobie qui émane de ses bâtiments sous-marins, mal isolés pour certains. On regrettera seulement un style trop rigide dans les phases d’action. Là où l’auteur est à l’aise dans les échanges verbaux, les descriptions, son approche de l’écriture est moins convaincante quand le rythme s’accélère.

Au final, Bioshock est sans doute la meilleure adaptation d’un jeu vidéo en roman. La raison en est simple, il s’affranchit du scénario original pour narrer les origines d’une œuvre sans commune mesure. Une histoire fascinante, des personnages aux antipodes, une ambiance décalée, des thématiques intemporelles maîtrisées… John Shirley offre une genèse des plus singulières à l’univers de Bioshock avec un discours politique sur la liberté et l’incapacité de l’humanité à s’autorégir. Délectable pour les amateurs de la saga, surprenant pour les novices, voilà un livre d’une grande profondeur, et ce, dans tous les sens du terme.

Note : 18/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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