mars 19, 2024

Silo – Hugh Howey

silo

Auteur : Hugh Howey

Editeur : Actes Sud/Le Livre de Poche

Genre : Science-Fiction

Résumé :

Dans un futur post-apocalyptique indéterminé, quelques milliers de survivants ont établi une société dans un silo souterrain de 144 étages. Les règles de vie sont strictes. Pour avoir le droit de faire un enfant, les couples doivent s’inscrire à une loterie. Mais les tickets de naissance des uns ne sont redistribués qu’en fonction de la mort des autres.
Les citoyens qui enfreignent la loi sont envoyés en dehors du silo pour y trouver la mort au contact d’un air toxique. Ces condamnés doivent, avant de mourir, nettoyer à l’aide d’un chiffon de laine les capteurs qui retransmettent des images de mauvaise qualité du monde extérieur sur un grand écran, à l’intérieur du silo.
Ces images rappellent aux survivants que ce monde est assassin. Mais certains commencent à penser que les dirigeants de cette société enfouie mentent sur ce qui se passe réellement dehors et doutent des raisons qui ont conduit ce monde à la ruine.

Avis :

Nombre de récits de science-fiction aiment se projeter dans un futur peu enviable ; ce qui a donné des genres à part entière tels que la dystopie ou le post-apocalyptique. En mettant de côté les succès actuels (morts-vivants et consorts), ce type de roman peine à se renouveler. Certes, il existe des livres efficaces, bien écrit et immersif, mais l’originalité n’y est pas forcément de rigueur. En l’occurrence, l’une des dernières histoires marquantes sur le sujet était sans doute Métro 2033. Une excellente exposition des menaces qui pèsent sur l’humanité face aux conflits nucléaires. Silo se hisse-t-il au-dessus de la masse ou est-ce une énième redite fade et sans relief ?

De prime abord, Silo semble surgi de nulle part. Publié à compte d’auteur grâce à la plate-forme Amazon, cet ouvrage paru par épisodes a permis de faire connaître son géniteur. 500 000 exemplaires vendus, une édition papier sortie et des traductions à l’internationale. Le succès est aussi inattendu que fulgurant. Un peu comme son entame à la fois percutante et nuancée. On plonge dans une sorte de gouffre béant. Pas d’explications ou d’histoires concernant ce qui est arrivé à notre civilisation. Les décennies ont passé tandis qu’une poignée d’individus survivent sous terre dans un silo.

Cette absence de justifications intrigue et immerge le lecteur dans un lieu hermétique. De là à parler de huis clos, il n’y a qu’un pas. Outre l’exiguïté et la promiscuité, l’auteur parvient à insuffler une bonne dose de claustrophobie qui n’atteint pas nécessairement ses personnages. Peut-être est-ce l’immensité de l’endroit ou le fait que chacun soit né au cœur même du silo. Toujours est-il que ce cadre unique ne suscite guère de redondance au fil de la progression. Silo joue aussi bien la carte du suspense avec son lot de mystères et d’éléments étranges que le roman d’atmosphère. Il émane une ambiance très sombre, voire nihiliste à certains égards.

Si l’approche n’est pas forcément novatrice, elle n’épargne aucun protagoniste, quitte à ce qu’il passe l’arme à gauche. Chaque partie est l’occasion de découvrir une vérité cachée sur le silo. En dehors de son fonctionnement, des lois qui régissent la communauté et de son organisation générale, les thématiques évoquées au fil des pages sont très fortes, car d’actualité. L’analogie avec notre société de consommation est évidente puisqu’elle ne nous autorise guère à regarder au-delà de l’horizon que nous nous sommes fixé par l’intermédiaire d’une hiérarchie « bien-pensante ». Les castes en sont également un exemple frappant avec la main d’œuvre dans les derniers niveaux, la classe moyenne dans les étages intermédiaires et, bien entendu, l’élite aux premières loges.

La notion de liberté est prépondérante tout au long du livre. Les discours sur ce qui la définit, ses limites et comment mettre en pratique un concept si sulfureux et subjectif passe à travers une multitude de séquences, d’échanges et d’événements dépendants (ou non) des habitants du silo. L’ensemble n’est en rien rébarbatif, car les thématiques et les réflexions qu’ils suscitent sont sous-jacentes à l’intrigue. Cette suggestion s’ajoute à la force des propos aussi censés qu’intelligents. Il est vrai que, de temps à autre, la trame tend à s’appesantir plus que de rigueur sur certains cas (l’expédition sous-marine de Juliette). Toutefois, l’intérêt ne faiblit guère si l’on accroche aux personnages et à l’histoire.

Au final, Silo est une véritable surprise. Derrière des atours de dystopie en huis clos, se cache un récit prenant qui interpelle le lecteur, non pas sur l’avenir de l’humanité, mais sur le présent et le quotidien de tout un chacun. À la fois pessimiste et intrigant, ce roman de science-fiction happe par un style soigné où les phrases les plus anodines sont chargées d’une symbolique forte. Métaphore lucide et sans concession de notre société sous tous ses aspects (travail, famille, consommation…), Silo est une œuvre aux multiples facettes. On regrettera simplement un final un peu trop précipité qui laisse nombre de questions en suspens. Un livre sans réelle conclusion (à l’origine, il s’agissait d’une histoire indépendante sans suite prévue) dont le fond est servi par une étonnante atmosphère.

Note : 17/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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