Eichmann Show

Titre Original : The Eichmann Show

De : Paul Andrew Williams

Avec Martin Freeman, Anthony LaPaglia, Rebecca Front, Andy Nyman

Année: 2016

Pays: Angleterre

Genre: Biopic

Résumé:

Comment Milton Fruchtman et Leo Hurwitz créent l’un des premiers événements télévisés mondiaux en retransmettant le procès Eichmann, depuis Jérusalem, dans 37 pays et pendant 4 mois en 1961. Un évènement extraordinaire de la télévision et de l’Histoire, le procès de l’architecte en chef nazi du plan d’extermination des juifs d’Europe pendant la seconde guerre mondiale. Cette retransmission inédite pour l’époque, permit à l’opinion publique de réaliser l’indicible et ce qui reste le pire crime contre l’humanité jamais perpétré.

Avis :

Chez les réalisateurs britanniques, aujourd’hui, on tire la carte de Paul Andrew Williams. Si le nom du réalisateur n’évoque pas grand-chose, c’est quelque peu normal, puisqu’il n’a pas une grande carrière et ses films, pour la plupart, sont passés inaperçus. Des films qui sont pourtant appréciés par ceux qui s’y sont arrêtés dessus.

Trois ans après le très beau « Song For Marion« , le réalisateur anglais est donc de retour avec un film qui, comme le veut la règle chez Paul Andrew Williams, va passer encore une fois inaperçu. Cet anonymat est bien dommage, car « Eichmann Show, le procès d’un responsable nazi » vaut complétement qu’on s’y arrête. Retraçant un événement d’une importance historique, Paul Andrew Williams livre un film douloureux, qui met assez mal à l’aise, tant il joue entre la fiction et le documentaire.

Adolf Eichmann, c’est l’homme qui se trouve derrière les plans de la solution finale d’Hitler. Après la chute du régime nazi, Eichmann, comme bons nombres d’autres ressortissants, a fui. Après quinze ans de traque, il est arrêté en Argentine. Emprisonné et jugé à Jérusalem, le procès d’Adolf Eichmann, comme le Procès de Nuremberg est important pour le peuple juif. Milton Fruchtman est un producteur télé qui vient d’acquérir les droits de filmer le procès. Il fait appel au réalisateur Leo Hurwitz. Ensemble, ils vont alors créer l’un des premiers immenses moments de la télévision. Les deux hommes vont tout filmer des quatre mois de procès et envoyer les films, montés sur l’instant, dans plus de trente-sept pays afin que le monde puisse découvrir la vérité de la solution finale.

« Eichmann Show, le procès d’un responsable nazi« , c’est le genre de film qu’on regarde avec une certaine anxiété tant le malaise est palpable. Paul Andrew Williams réalise ici un film hommage et vérité qui mélange des scènes de fiction et des images d’archives du procès, des témoignages des rescapés de camps de la mort, de l’immobilisme de son accusé, ainsi que des scènes de document, tournées dans les camps avant et après leur libération. Vous l’aurez compris, on n’est pas ici pour rigoler.

Avec ce film, le réalisateur livre donc un autre genre de film de procès. Oubliez ce que vous connaissiez des films de procès, car même s’il a le même sang qui coule dans ses artères, « Eichmann Show … » est un tout autre genre de film. Un film pour le moins inédit. Oscillant entre la fiction et le documentaire, on se laisse complétement happer par ce récit fort en émotion et surtout révoltant. Un récit parfaitement choisi, qui évite de tomber dans le sensationnalisme. Un récit « intelligent » qui témoigne de l’ignominie de l’être humain.

Le scénario est des plus intéressants, car en plus de ce procès, le script a ajouté toute la logistique et les problèmes qu’a rencontrés son producteur pour avoir le droit de filmer un tel évènement. Menace de mort, désaccord avec les juges ou encore désaccords moraux seront de la partie. Puis le film laisse une part belle à l’interrogation. Un peu comme le personnage du réalisateur Leo Hurwitz, on reste là, presque bouche bée devant l’indifférence d’Eichmann qui reste planté là, à écouter et regarder ce que le monde a connu de plus atroce. L’homme regarde ses victimes et sans aucun remord ou regret, il défie silencieusement ses juges et le monde. Comme le personnage du réalisateur et d’autres, on reste donc bloqué, sans comprendre, attendant une réaction. C’est donc très dur à suivre, éprouvant parfois et en même temps, de manière assez subtile, on se rend compte que le réalisateur a suffisamment de talent pour avoir discrètement mais surement installé énormément de suspens. On suit donc ce film aussi bien comme un documentaire, qui nous instruit énormément, mais aussi comme un « thriller » avec ses enjeux, son but et son dénouement. Bref, c’est dérangeant, ténu et bluffant en même temps.

Le film est tenu par un duo de comédiens au top. Martin Freeman incarne avec beaucoup de conviction le producteur Milton Fruchtman. Le comédien arrive parfaitement à nous faire comprendre les tenants et les aboutissants de son projet. Il pose des réflexions sur l’image et le besoin, l’envie de savoir du public et l’importance d’un tel évènement. On est touché par ce personnage qui peut aussi se montrer très dur et froid. Le réalisateur de l’évènement est quant à lui tenu par l’excellent Anthony LaPaglia qui fait ici des merveilles. Si Martin Freeman touche, Anthony LaPaglia passionne, car dans un sens, il nous ressemble plus dans cette fascination partagée de dégoût qu’on a envers l’accusé. Les deux acteurs et les deux personnages sont complétement complémentaires l’un de l’autre. Aussi différents qu’ils se ressemblent, ils finissent par former l’équipe parfaite, malgré les disputes et les mésententes.

En filmant l’envers du décor en amont et mettant en scène ce procès capital, Paul Andrew Williams nous offre un excellent film. Un film qui passionne autant qu’il instruit et franchement, on passe vraiment pas loin d’un chef d’œuvre. Mais le film loupe aussi cette case à cause d’une fin quelque peu expédiée et c’est dommage, car le film aurait vraiment mérité plus dans sa durée et sa finalité.

« Eichmann Show, le procès d’un responsable nazi » est donc un très bon direct to DVD. Donc si jamais vous tombez dessus, sachez qu’il vaut amplement le coup qu’on s’y arrête.

Note : 16,5/20

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Par Cinéted