avril 16, 2024

L’Ombre de Gray Mountain – John Grisham

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Auteur : John Grisham

Editeur : JC Lattès

Genre : Thriller

Résumé :

Nous sommes en 2008. La carrière de Samantha Kofer dans un grand cabinet d’avocats de Wall Street est sur des rails dorés… Mais la récession frappe soudain. La jeune femme se retrouve du jour au lendemain au bas de l’échelle, limogée, raccompagnée vers la sortie, quasiment jetée dehors par une escorte de vigiles. Samantha a toutefois de la « chance » dans son malheur ; un cadeau de ses supérieurs : si elle accepte de travailler gratuitement pendant un an dans un centre d’aide juridique, elle pourra peut-être réintégrer sa place au cabinet.
En quelques jours, Samantha quitte donc Manhattan pour s’installer à Brady, en Virginie, une bourgade de deux mille deux cents âmes au coeur des Appalaches, un recoin du monde où elle n’aurait jamais pensé mettre les pieds. Mattie Wyatt, une figure éminente de Brady et directrice du centre juridique va lui montrer comment aider « les vrais gens ayant de vrais problèmes ». Pour la première fois dans sa carrière d’avocate, Samantha va préparer un procès, connaître la violence des salles d’audience, se faire réprimander par un juge, recevoir des menaces de la part de gens qui n’apprécient guère qu’une avocate de New York mette son nez dans leurs affaires. Elle va apprendre également que Brady, comme nombre de petites villes, cache de lourds secrets.
Ce nouveau travail va entraîner Samantha dans les eaux troubles et dangereuses de l’exploitation minière, une terra incognita où il n’y a ni lois, ni code du travail, ni respect des biens et des personnes. Deux camps s’opposent. La population s’entre-déchire. La montagne elle-même est en danger, attaquée de toutes parts par les sociétés de charbonnage. La violence est partout. Et, en quelques semaines, Samantha va se retrouver emportée dans un combat judiciaire dont l’issue sera fatale.

Avis :

Hormis quelques exceptions dans sa carrière littéraire, John Grisham est particulièrement connu pour ses thrillers juridiques. On lui doit quelques incontournables du genre tels que La Firme, L’Affaire pélican ou Le Dernier juré. L’auteur, dont le talent n’est plus à prouver, n’a pas son pareil pour nous entraîner dans les arcanes de la justice américaine et de ses plus sordides affaires. Avec une documentation et un réalisme irréprochable (il s’inspire parfois d’histoires véridiques), l’écrivain s’est constitué une solide réputation dans son domaine. Aussi on peut partir sur un a priori positif quand on ouvre l’un de ses ouvrages. Est-ce toujours le cas lorsqu’il tente de dévier à minima de ce qu’il fait habituellement ?

L’intrigue nous plonge en 2008, alors que la crise économique fait rage. Licenciements à la pelle, restructurations, chute des marchés boursiers. Rien ne manque pour malmener notre héroïne dont l’avenir semblait déjà tracé. Si une introduction est nécessaire pour exposer les faits et implanter les protagonistes dans le décor, L’Ombre de Gray Mountain offre une entame longue avec une ligne directrice trop discrète, pour ne pas dire confuse. On sombre rapidement dans les atermoiements du quotidien, de ce qui fut et de ce qui aurait pu être, sans pour autant jouer la carte de l’empathie pour une caste sociale aisée.

Cette première partie n’est qu’un prétexte à l’exil. Par conséquent, il aurait été plus judicieux de lui allouer moins d’importance ou au moins ne pas laisser traîner les choses en longueur. De plus, elle n’apporte aucun élément propre à satisfaire les inconditionnels de l’auteur et de son univers juridique. À l’instar de la défaite après une bataille, on panse les blessures (ici morale) en faisant un état des lieux finalement peu engageant. Même constat quand on découvre la petite ville de Brady et ses couleurs locales. L’image d’une Amérique profonde laissée pour compte où des mentalités hostiles (voire archaïques pour certains intervenants) sont confrontées à l’absence d’emploi dans la région.

Le cadre a beau être intéressant, les enjeux ne décollent qu’en milieu de parcours, et ce, après de nombreuses errances et des pseudo-affaires concrètes, mais assez convenues pour un auteur de cette envergure. Là encore, on distingue à peine les éléments qui motiveront la suite des réjouissances. Le reste se noie sous un flot de faits annexes qui rendent les intrigues secondaires prépondérantes au regard du lecteur. Femme battue, mère isolée SDF avec ses deux enfants, tire-au-flanc qui essaye de frauder l’assurance sociale… Dépeindre le quotidien de pauvres hères permet de donner le ton et de crédibiliser le livre, mais ici, il est tellement excessif qu’on en oublierait presque le cœur du roman.

Dommage, car la seconde moitié se veut plus prompte à capter notre attention. John Grisham y dénonce les agissements des compagnies minières tant sur les personnes (reléguées à une vulgaire main d’œuvre jetable) que sur l’environnement avec méthodes amorales et néanmoins légales. Corruption, intimidation et incidents suspects interviennent pour susciter autant de la paranoïa que de la crainte. Sur ce plan, l’histoire mêle habilement les scandales liés à des conditions de travail proprement hallucinantes, le cynisme des multinationales et l’inertie d’une justice à deux vitesses. On a droit à un aperçu global des plus pertinents sur un sujet peu connu, puisque pas assez relayé par les médias conventionnels.

Au final, L’Ombre de Gray Mountain est un roman en demi-teinte. Non qu’il soit mauvais ou mal écrit, le récit se complaît dans une entame lénifiante dont les tenants restent confus à bien des égards. À ce titre, la première rencontre avec les protagonistes est loin d’être convaincante ; tout comme l’approche timide et trop hésitante sur le terrain juridique. Les quelques faits divers avancés sont trop banals au vu du passif de l’auteur. Pour autant, la seconde moitié se rattrape de bien des manières avec une thématique écologique pertinente qui sensibilise sans sombrer dans des niaiseries déplacées. Il en ressort un thriller honnête, mais loin d’être transcendant étant donné que le suspense et l’intérêt grimpent seulement en milieu de parcours.

Note : 13/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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