avril 25, 2024

Les Pages du Serpent – Jessica Cornwell

Les-Pages-du-Serpent

Auteur : Jessica Cornwell

Editeur : Michel Lafon

Genre : Thriller

Résumé :

Barcelone, été 2004 : quatre femmes sont assassinées, leur corps, mutilés. Neuf lettres d’un alphabet cryptique ont été gravées dans leur chair, et leur langue a été coupée. La quatrième victime est Natalia Hernandez, comédienne star du Théâtre National, filmée le soir du meurtre par une caméra de surveillance, inanimée dans les bras d’un jeune homme aux cheveux noir corbeau. Il sera retrouvé noyé quelques jours plus tard.
Barcelone, hiver 2014 : Anna Verco, une jeune Américaine chercheuse en histoire médiévale, douée de clairvoyance occasionnelle, accepte d’aider l’inspecteur Fabregat, désormais à la retraite mais qui n’a jamais perdu l’espoir de résoudre l’affaire Hernandez. Ensemble, ils reprennent l’enquête et tentent de reconstituer le puzzle autour des assassinats. Les recherches d’Anna mettent au jour une connexion entre les meurtres et un texte très ancien, remontant à l’époque du Christ et écrit dans la langue des sorcières.

Avis :

Avancé comme « le thriller qui pourrait bien détrôner Dan Brown », le premier roman de Jessica Cornwell fait une forte impression outre-Atlantique. Il suffit de regarder la quatrième de couverture pour voir les éloges dont il bénéficie de la part de grands journaux. Sans doute l’affiliation de son auteure n’est-elle pas étrangère puisque son grand-père se nomme John le Carré, écrivain incontournable sur la scène internationale. L’enrobage commercial répond présent à l’appel, mais Les pages du serpent mérite-t-il son excellente réputation ? Mieux encore, peut-il réellement se hisser au niveau des maîtres du genre ?

Pour surprendre, l’histoire risque d’en décontenancer plus d’un. De prime abord, le pitch n’a rien d’étonnant. On entremêle une série de meurtres à un secret alchimique qui serait censé ébranler notre vision du monde, particulièrement ce qui a trait à la chrétienté. Rien de bien neuf à savourer, mais l’on pourrait se consoler avec un rythme entraînant (la base de tout bon thriller) et une atmosphère capable de nous happer dans une succession d’événements aussi dépaysants qu’inattendus. Malheureusement, il faut oublier ces intentions qui ne semblent guère préoccuper Jessica Cornwell. Celle-ci préférant, et de loin, se complaire dans un style littéraire hautement discutable.

Car c’est bien là le cœur du problème. La manière de l’auteure d’aligner les mots sans jamais trouver le ton adéquat, d’opter pour une tournure soignée ou ne serait-ce qu’avoir un minimum de constance dans l’écriture. Outre l’emploi de la première personne du singulier qui ne présente aucun intérêt, le texte fait se succéder des phrases simplistes et inutiles à des blocs de diatribes indigestes. Les chapitres courts et interminables se suivent sans jamais offrir le moindre repère temporel ou spatial au lecteur (hormis quelques exceptions). Impossible de savoir où l’on en est, si l’on change d’époque (contemporaine ou historique). Il n’y a même pas de numérotations des chapitres, juste des segments épars.

Avec une telle structure anarchique, difficile de se sentir impliquer ou concerné par la suite des événements. Le récit alterne entre des séquences intrigantes (ce qui a trait à l’alchimie) avec une multitude de longueurs qui englue la progression dans une routine lénifiante. Le plaisir de la surexposition, d’une présentation trop banale ou la complaisance des frasques sentimentales et quotidiennes sont légion et n’ont rien à faire dans le genre. L’enquête policière, elle, se tisse de fils blancs avec des déductions simplistes au possible, peu de moyens employés et une négligence peu commune pour mener les investigations.

Autre point des plus agaçants, le texte se coupe constamment des pensées de la narratrice. En des circonstances différentes, ce ne serait pas un problème d’apporter des précisions sur le vécu intérieur d’un ou de plusieurs protagonistes. Cela ajoute même une touche émotionnelle à l’ensemble. Ici, la lecture est cassée pour un oui ou pour un non pour prolonger la longueur d’une histoire qui devient petit à petit une véritable gageure. En dépit de ses études en littérature, de son affiliation parentale, Jessica Cornwell met au rencard le peu d’intérêt qu’on prête à son livre par une approche nombriliste et négligée des thématiques choisies.

A ce titre, les personnes hermétiques à l’alchimie passeront leur chemin. Certaines séquences s’avèrent ardus sans un minimum de connaissance tant dans le domaine que dans un parler ancien. De plus, l’intrigue amène trop tardivement ce que peut révéler un tel texte. On préfère tourner autour du pot, éluder des explications pourtant nécessaires et se pencher en d’interminables atermoiements sur des points de détails ou des techniques laborieuses de recherche. L’auteure est incapable de simplifier ses propos quand il le faut (cela lui donne peut-être l’illusion de faire croire qu’elle maîtrise son sujet) ou d’apporter plus de précisions sur les notions fondamentales de l’alchimie.

Au final, Les pages du serpent est bien plus qu’une déception, il s’agit d’un véritable affront au genre et à la littérature en générale. Mal écrit, atmosphère absente au même titre que le peu d’enjeux avancé, intrigue décousue et enquête minimaliste sont autant de tares qui n’ont rien à faire dans un livre. Encore une fois, les accointances dans le milieu éditorial permettent de publier tout et n’importe quoi sous couvert d’un nom prestigieux (ici, John le Carré) sans se soucier de la qualité de fond. Peu importe puisque le potentiel commercial répond à l’appel (rare atout : la couverture aguicheuse) dans ce qui s’annonce d’ores et déjà comme une trilogie. Dan Brown, Steve Berry et consorts peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

Note : 03/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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