avril 19, 2024

M

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De : Joseph Losey

Avec David Wayne, Howard Da Silva, Martin Gabel, Luther Adler

Année: 1951

Pays: Etats-Unis

Genre: Policier

Résumé:

Un insaisissable tueur en série kidnappe et tue de façon abjecte des fillettes. Il est activement recherché par la police. Mais le mécontentement des habitants est tel, que la pègre de Los Angeles craignant également que la police ne finisse pas fouiller dans ses affaires, ne tarde pas à s’en mêler. Débute alors une chasse à l’homme haletante.

Avis:

Les remakes sont devenus depuis quelques temps la lie du cinéma contemporain. Il faut dire que cela fait un moment que les producteurs ont décidé de ne plus prendre de risque et joue la carte de la sécurité avec des remaniements de films cultes des années 80 ou des suites sans saveur dénaturant le propos de départ. Sauf que si on s’attarde de plus près sur le phénomène, les remakes ne datent pas d’hier, bien au contraire, dès les années 50, les producteurs avaient décidé de reprendre des films des années 30 pour les remettre au gout du jour ou les adapter à une société en constante évolution. Et par fainéantise aussi. La preuve en est avec la genèse de ce film, M, remake de M le Maudit de Fritz Lang, par Joseph Losey.

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Non pas que le film soit mauvais, loin de là, mais au départ, ce n’était pas gagné. Déjà, Fritz Lang lui-même était contre ce remake, ne voulant pas voir son œuvre dénaturée. Mais en plus de cela, Douglas Sirk, premier pressenti pour réaliser le film, se retira du projet car les producteurs ne voulaient pas de son script, changeant trop le film originel. C’est donc Joseph Losey qui accepta de tourner, mais dont le script fut aussi refusé pour les mêmes raisons. C’est donc dans des conditions difficiles que le film a vu le jour et aujourd’hui encore, certains le considère comme une trahison par rapport au fil de Fritz Lang. Mais toute cette haine vaut-elle vraiment le coup ?

Car il faut avouer que cette version de M demeure tout de même bien réussie et sur plusieurs points de vue. En premier lieu, l’histoire est très intéressante et joue sur plusieurs thématiques encore d’actualité plus de soixante plus tard. Pour l’époque, s’attarder sur un meurtrier d’enfants, il fallait oser et c’est avec un œil avisé que le réalisateur s’attaque à un sujet épineux et délicat. Et c’est avec une certaine pudeur que Joseph Losey qu’il parvient à créer un monstre malgré lui, un être malade qui ne peut s’empêcher de faire du mal aux enfants. Sans violence, sans plan frontal, le réalisateur installe un malaise constant et qui monte crescendo lorsque le meurtrier charme une petite fille dans la rue, un être rempli d’innocence face à un monstre de perversité. C’est dans les non-dits et les suggestions que le cinéaste arrive à faire de son film un métrage d’une noirceur absolue et relativement malsain.

Mais au-delà de l’aspect monstrueux des meurtres d’enfants, le film évoque aussi la justice de la rue et les réactions parfois excessives que peut avoir le peuple face à une situation qui les dépasse. On retrouve à la fin du film une séquence impitoyable et incroyable sur le jugement d’un homme dans un sous-sol, montrant toute la puissance du film et sa volonté de montrer que l’on peut tous être un monstre et conscient de l’être. A titre d’exemple, répondre au meurtre par le meurtre ne semble pas être une décision adéquate et sans jamais appuyer son propos ou mâcher le travail au spectateur, Joseph Losey arrive à mettre le spectateur dans une situation délicate et ambigüe. Le film questionne énormément sur la place de la justice pour les malades mentaux et comment se positionner face à une personne déficiente mais mortelle. Là encore, le film tacle gentiment le système judiciaire, mais aussi le système pénal, mettant en avant des incompétences pour aider les personnes en détresse mais aussi les innocents dans la rue.

Et c’est dans la réalisation que le film arrive à faire passer tous ces messages sans jamais tomber dans le pathos ou le malaise à tout va. Le but ici n’est pas de déranger ou de choquer, mais bel et bien d’interroger en apportant une réflexion et une logique implacable. Le réalisateur tisse trois portraits qui vont s’entrecroiser dans un triangle relationnel étroit. Tout d’abord la police et son chef, des personnages assez présomptueux mais besogneux et trouvant rapidement l’assassin. On retrouve les poncifs du film noir avec des protagonistes ayant la classe et affichant un charisme un peu hautain. Ensuite vient le chef des gangsters, qui a tout à gagner dans la recherche du tueur, et qui est le personnage le plus trouble. Ni vraiment méchant, ni gentil, il est le maillon fort du film, celui qui va mener l’action pour coincer le tueur. Et si ses méthodes ne sont pas bonnes, il n’en demeure pas moins le moteur du film, celui par qui l’action arrive ainsi que la méthode pour coincer le tueur. Enfin, il y a bien évidemment le meurtrier, un homme lambda au départ, mais qui devient trouble par la suite, lorsque la panique le submerge, avec une séquence dans un magasin de mannequins relativement réussie, qui semble être reprise par Kubrick en 1954 pour Le Baiser du Tueur. Ces trois personnages entretiendront des relations à distance qui maintiendront un suspense haletant, attendant le moment inévitable de la rencontre.

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Au final, M, remake du film de Fritz Lang, est un excellent film qui frôle le statut de chef d’œuvre malgré la présence de l’original. Ambigu, difficile et souvent culotté, le film de Joseph Losey se révèle aussi intelligent dans son fond, interrogeant non seulement sur le système judiciaire mais aussi sur les psychoses faciles et la délation qui peut régner lorsque la police ne fait pas son job correctement. Bref, M est un film terriblement d’actualité et qui mérite amplement sa remise au gout du jour grâce à Sidonis Calysta qui livre un très joli bluray.

Note : 18/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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