mars 28, 2024

10 Cloverfield Lane – Le Monstre est Humain

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De : Dan Trachtenberg

Avec John Goodman, Mary Elizabeth Winstead, John Gallagher Jr, Mat Vairo

Année: 2016

Pays: Etats-Unis

Genre: Thriller, Science-Fiction

Résumé :

Une jeune femme se réveille dans une cave après un accident de voiture. Ne sachant pas comment elle a atterri dans cet endroit, elle pense tout d’abord avoir été kidnappée. Son gardien tente de la rassurer en lui disant qu’il lui a sauvé la vie après une attaque chimique d’envergure. En l’absence de certitude, elle décide de s’échapper…

Avis :

Rares sont les found-footage à trouver grâce aux yeux du public. Si certains cinéphiles sont absolument fans du genre, force est de constater que le film caméra à l’épaule est bien souvent décrié pour son manque d’idée, de créativité et sa fainéantise aigue. Mais parmi le marasme ambiant des documenteurs, certains se détachent du lot, grâce à leur sujet et à une maîtrise parfaite du concept. On peut citer en vrac le thriller policier End of Watch de David Ayer, le tout premier Paranormal Activity d’Oren Peli (qui a soulevé une saga morte dans l’œuf depuis) ou encore Rec de Jaume Balaguero et Paco Plaza. Et parmi ces métrages, Cloverfield fait office de petit poucet, qui fut accueilli très chaleureusement en 2008 lors de sa sortie. Innovant sur la forme comme sur le fond, le film de Matt Reeves et J.J. Abrams a connu un énorme succès, profitant de la caméra à l’épaule pour faire intervenir une invasion alien.

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Depuis quelques temps, des rumeurs circulaient sur la possibilité d’une suite, et c’est dans le secret le plus absolu que surgit 10 Cloverfield Lane. Inattendu et annoncé avec du retard, le film fut un secret bien gardé et a réussi le pari de faire le buzz avec trois fois rien, hormis la promesse d’un film totalement différent du premier. Et pour cause, si les producteurs sont toujours les mêmes, on retrouve Damien Chazelle au scénario (le réalisateur du sublime Whiplash) ainsi que Dan Trachtenberg à la réalisation, suite à un autre projet qui est tombé à l’eau. Et puis il y a l’abandon du found-footage. En total rupture avec le film avec lequel il partage un lien de parenté, 10 Cloverfield Lane semble vouloir s’affranchir de son aîné aussi bien dans le fond que sur la forme. Le pari est-il réussi ? Assurément.

Le film est clairement divisé en deux parties très distinctes et complètement inégales. Mais c’est de cette différence que va naître la vraie force du film, se trouvant à un endroit que l’on n’attend pas et qui surprend à tous les instants. En premier lieu, le film est un huis-clos claustophobique au sein d’un immense bunker. Cette partie, qui est la plus longue, permet de présenter trois personnages clés ainsi que d’installer une ambiance assez malsaine, tendue, laissant continuellement planer un doute sur les intentions des personnages, mais aussi sur ce qui se passe en surface. Jouant fortement sur les interactions entre les personnages, le scénario est très malin car il agit comme un roller coaster, présentant toujours un élément trouble avant de faire retomber la pression pour la refaire remonter quelques minutes plus tard. Dan Trachtenberg maîtrise son sujet à la perfection et planifie chaque élément, trimballant ainsi le spectateur là où il veut.

D’ailleurs, il jongle allégrement avec les genres, épousant à la fois le récit de survie à celui du huis-clos policier, et en allant même jusqu’à l’horreur pure et dure. Et le fait est que cela marche du tonnerre, le spectateur se laissant aller de ses spéculations sur les intentions des personnages. Car c’est aussi l’une des grandes forces de 10 Cloverfield Lane, c’est que l’on sent qu’il y a quelque chose de louche, en chacun des personnages, mais on ne sait jamais sur quel pied danser. Dans ce rôle, John Goodman est un ogre. S’éclatant dans ce rôle ambigu, il éclipse quasiment tout le reste du casting qui se compose de la sublime Mary Elizabeth Winstead et de John Gallagher Jr. Au moment où il apparait, John Goodman bouffe littéralement l’écran et happe le spectateur. A la fois troublant, touchant et repoussant, il livre une prestation étouffante et impressionnante, laissant peu de place aux autres protagonistes.

Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, 10 Cloverfield Lane n’est pas qu’un huis-clos et son dernier acte prend des allures de film à la Spielberg durant les années 80/90. Telle une production Amblin, le film se libère de son carcan étouffant pour partir sur les terres de la SF grand public. Jouant encore une fois avec les codes du genre, le réalisateur se montre là aussi très habile avec la caméra, suggérant plutôt que montrant et offrant un dernier quart d’heure nerveux, rompant de façon brutale avec la première partie du métrage. Certes, cette partie-là contient quelques grossièretés et l’héroïne possède une chance insolente, mais cette rupture de ton permet de décompresser de la première partie et sonne comme une partition d’amour à ce cinéma de SF des années 80/90, fleurant bon l’hommage rétro. Si le film aurait peut-être gagné en cynisme et en réalisme, offrant ainsi une vision parfaite et humaine, on ne peut que pardonner ces écarts au réalisateur tant on sent une certaine honnêteté dans ce travail, voulant rendre hommage sans tomber dans une morosité ambiante. Rien n’est parfait donc, mais ce spin-off lorgne vers les films de monstre des années 80 par la suite, ne montrant jamais rien en entier et préférant largement suggérer, donnant ainsi au spectateur une matière à mâcher.

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Au final, 10 Cloverfield Lane se révèle être une bonne surprise et risque fort de surprendre les fans du premier film. Etant plus un spin-off qu’une suite, le métrage se révèle étonnant par ses choix scénaristiques et cette volonté de rompre avec Cloverfield. Véritable huis-clos tendu comme un string dans sa première partie, le film se transforme en hommage éhonté à la SF des années 80 dans sa seconde moitié, laissant libre cours à une succession d’enchainements parfois un peu gros, mais qui fonctionnent de manière libératrice. Un film en dehors des clous de ce que l’on nous propose en ce moment et cela fait vraiment du bien de voir des partis pris qui tiennent jusqu’au bout de leur concept. Bref, 10 Cloverfield Lane est donc un film à part mais qui réussit son pari de surprendre, dans le bon sens du terme.

Note : 17/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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