mars 19, 2024

Whitechapel – Sarah Pinborough

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Auteur : Sarah Pinborough

Editeur : Bragelonne

Genre : Thriller

Résumé :

Londres, 1888. Lorsque des cadavres de femmes atrocement mutilées sont repêchés dans la Tamise, le médecin légiste Thomas Bond comprend qu’un second tueur sévit dans les rues de Whitechapel. Or cet assassin paraît plus inhumain que Jack l’Éventreur lui-même…

Pour lutter contre ses insomnies, le docteur Bond passe ses nuits dans les fumeries d’opium. Chaque soir, un inconnu en noir vient examiner les rêveurs perdus dans les brumes opiacées. Pourrait-il être la clé du chaos qui s’est emparé de la capitale ?

Avis :

Pour les amateurs de criminologie et d’histoire, Londres à la fin du XIXe siècle est synonyme de l’émergence du phénomène des tueurs en série avec Jack l’Éventreur. Des meurtres qui se sont démarqués autant par leur sauvagerie que par l’incapacité à trouver le coupable. Les années ont passé, les époques se sont succédé, mais le mystère demeure entier. Cette énigme a même donné lieu à un métier à part entière : le « ripperologue ». Aussi, les ouvrages factuels ou fictifs sur le sujet pullulent et ne cessent d’alimenter les rayons des librairies. Sarah Pinborough parvient-elle à faire la différence ou à ressasser les crimes sans y apporter un regard neuf ?

Qu’on se le dise, il n’est pas question de divulguer l’identité de Jack l’Éventreur ou de trouver un nouveau visage à la (très) longue liste des suspects. D’ailleurs, l’affaire est reléguée au second plan pour se confronter à un autre cas tout aussi véridique et violent, voire nettement plus dérangeant : celle des torses de la Tamise. Des corps en morceaux retrouvés au moment où Jack sévissait dans les rues de l’East End. Les disparités entre les crimes ont amené à la conclusion qu’il s’agissait bel et bien de deux tueurs distincts. L’auteure va donc se concentrer sur l’aspect inédit et peu exploité pour en faire la trame de fond de son roman.

L’intrigue débute à la manière d’un polar historique avec une reconstitution de l’Angleterre victorienne assez minutieuse et réaliste. Whitechapel ou les autres quartiers défavorisés de Londres, le contexte dans lequel évoluent les intervenants (bourreaux, victimes et enquêteurs), les méthodes d’investigation de l’époque et les prémices de la police scientifique avec des constatations tout aussi méticuleuses… Sarah Pinborough mêle avec une certaine application la rigueur d’un thriller contemporain à l’exigence d’un roman historique. Il en résulte un mélange convaincant dans la progression qui ne s’arrête pourtant pas en si bon chemin.

Tout en découvrant les ruelles crasseuses, les fumeries d’opium et autres lieux malfamés, l’intrigue tend vers le fantastique. Il est vrai qu’on s’éloigne sensiblement de la véracité historique et cela pourra rebuter les puristes ou les lecteurs qui attendent un thriller au sens strict du terme. D’ailleurs, la construction du récit et l’architecture des chapitres se montrent assez déséquilibrées et peu propices à entretenir un suspense de rigueur. De plus, la chronologie des faits se révèle assez chaotique avec des retours en arrière pas forcément opportun. Leur utilité reste donc discutable, à tout le moins pas assez explicite sur l’instant.

Même constat pour l’alternance des points de vue qui multiplie les styles (emploi de la première personne ou de la troisième selon les intervenants). Leur ordre d’importance n’est pas toujours aisé à resituer au sein des événements. Pour autant, la caractérisation s’avère réussie avec des protagonistes aux intérêts et aux compétences dissemblables. Ils offrent une variété bienvenue sur la longueur et le lecteur se sent impliqué par ce qui les touche. L’auteure voulant entretenir un maximum le mystère sur le meurtrier (jusqu’à un certain stade), peu de place lui est allouée en dehors de ses méfaits et des conséquences provoquées.

Malgré ses maladresses, Whitechapel demeure immersif et plaisant à parcourir si tant est qu’on montre un attachement pour l’Angleterre victorienne et la criminologie. En exploitant des faits peu connus et contemporains de Jack l’Éventreur, Sarah Pinborough joue la carte du mélange des genres non sans se heurter à quelques problèmes narratifs. Néanmoins, elle parvient à insuffler à son ouvrage une atmosphère glauque via une violence dépeinte sans complaisance pour exposer l’affaire des torses de la Tamise. Entre réalisme et dénouement fantasmé par le biais du surnaturel, Whitechapel est un thriller fantastique non moins recommandable si l’on fait abstraction de ses défauts.

Note : 14/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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