mars 19, 2024

The Revenant – La Vengeance est un Plat

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De : Alejandro Gonzalez Innaritu

Avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Will Poulter, Domhnall Gleeson, Brendan Fletcher

Année : 2016

Pays : USA

Genre : Aventure/Drame

Résumé :

Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.

Avis :

On avait quitté Alejandro Gonzalez Innaritu avec un Birdman ultra-conceptuel qui, s’il avait été récompensé par 4 oscars (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur photographie), avait également laissé bon nombre de spectateurs dubitatifs devant la vacuité du procédé (qui semblait plus souvent chercher la prouesse technique que l’efficacité thématique) et la condescendance du propos (Innaritu ne cachant même pas son mépris pour le cinéma de divertissement et les comic-books en faveur d’un art « noble » comme le théâtre).

Un plan-séquence continuel, sur le papier l’idée était intéressante à défaut d’être neuve (La Corde et l’Arche russe étaient déjà passés par là, sans même faire de coupe invisible pour le second), encore fallait-il utiliser ce procédé à bon escient, pour souligner l’immédiateté du propos (alors que de nombreuses ellipses émaillent le film) ou provoquer l’immersion et l’identification à un personnage que l’on suit (alors que l’on passe de l’un à l’autre des protagonistes pendant toute la durée du métrage), sans se cacher derrière une masturbation intellectuelle qui prétendrait mettre en image le glissement progressif vers la folie et la mince frontière entre rêve et réalité (puisqu’il aurait fallu pour cela ne suivre que le personnage de Riggan et s’immerger dans sa psyché).

 

Bref, nombreux étaient ceux qui était ressortis de Birdman avec un goût amer dans la bouche, et la sale impression d’avoir été floués par un tour d’esbrouffe technique.

Aussi, quand seulement quelques mois après la sortie du film débarque sur la toile le premier teaser de The Revenant, du même Innaritu, tout semble pardonné.

On distingue clairement une même propension au plan léché, au plan sensitif, aux plans-séquences surtout, mais tout indique qu’il a retenu la leçon et utilise le procédé à bon escient pour nous immerger dans la peau et les tourments de son héros, Hugh Glass, laissé pour mort et contraint de survivre par ses propres moyens dans le Dakota du sud glacial de 1823 pour avoir sa vengeance.

Et effectivement, le film démarre sur ces bonnes bases et augure du meilleur. L’accumulation de plans-séquences s’avère une manière très pertinente de créer la tension et de nous plonger au cœur de l’action, alors qu’un camp de trappeurs est attaqué par des indiens et voit Glass et ses compagnons contraints de fuir. Plus anecdotique mais néanmoins efficace, le procédé permet plus tard de suivre avec fluidité les discussions houleuses entre les trappeurs quant à la marche à suivre.

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Pendant vingt bonnes minutes, le récit accrocheur et la réalisation racée emportent le morceau, aidés par des acteurs comme toujours impeccables, même si l’interprétation intense de DiCaprio ne mérite pas forcément d’aller jusqu’à l’Oscar (aux côtés de Tom Hardy fidèle à lui même mais un peu effacé derrière un personnage prétexte, on retrouve aussi le jeune Will Poulter qui continue son bonhomme de chemin, ou encore Brendan Fletcher, sorti du giron d’Uwe Boll pour jouer dans la cour des grands).

Et puis, lentement mais sûrement, le film commence à se disperser, à s’appesantir, à se déliter, et plutôt que d’aller à l’essentiel, d’utiliser son procédé visuel comme le catalyseur d’une histoire très simple mais intense, il semble la diluer dans un amoncellement de pistes scénaristiques et thématiques, accumulant les personnages et les intrigues secondaires, allongeant plus que de raison des scènes qui n’en avaient pas besoin.

Trop long, trop bavard, The Revenant pèche par excès là où il aurait mérité de se concentrer sur son point de départ, limpide et propice à une odyssée sensitive : un homme est laissé pour mort mais réussi à survivre en milieu hostile et retrouve les hommes responsables de sa situation. Inutile de chercher plus loin, le cœur de l’histoire, et son intérêt principal, sont là, dans ce désir de vengeance plus fort que la mort et la souffrance, dans cette rage inextinguible qui permit à Hugh Glass de se relever et de rejoindre Fort Kiowa, à plus de 300 kilomètres de sa supposée mort.

Pourtant Innaritu semble ne pas faire confiance à la force de son sujet, et rajoute à son récit tout un tas de pistes intellectuelles bavardes, ou émotionnellement balourdes (quitte à citer plus ou moins directement son exceptionnel Biutiful de 2010), incluant dans l’histoire un fils adoptif amérindien, d’autres amérindiens vindicatifs à la poursuite des trappeurs, les états d’âme des hommes l’ayant laissé pour mort, des trappeurs/contrebandiers français, tout un tas de scories peu utiles au cœur du récit qui ne font que l’allonger artificiellement.

D’un Man Vs Wild véridique qui aurait du s’appuyer sur les éléments historiques de l’histoire (comme l’épisode où Glass colla ses plaies infectées contre une souche d’arbre pourrie pour que les asticots rongent ses chairs mortes, où sa façon de se repérer géographiquement grâce à une hauteur visible à des kilomètres à la ronde, deux éléments absents du métrage), Innaritu fait un objet certes plastiquement magnifique (la photographie de Lubezki mérite un Oscar) mais si lourd et bavard qu’il dilue son propos initial, rendant un peu paresseuse l’identification au personnage principal.

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Pire, tout ça finit par sembler être fait pour mettre en avant sa prouesse technique, ses plans conceptuels (souvent somptueux il est vrai) et ses plans-séquences continuels, dans un grand m’as-tu-vusme ostentatoire dont l’accumulation finit par desservir le film. Trop présents, trop pompeux, trop peu pertinents, ces effets visuels alourdissent le propos, et font perdre au métrage sa substance scénaristique et thématique au profit d’un exploit de réalisation qui sent mauvais la complaisance et l’envie d’être récompensé.

Si l’on est agréablement secoué par la brutalité et l’intensité procurées par les plan-séquences de l’introduction et du combat final, l’excès finit par être lassant, et même la scène longuement partagée sur internet de l’attaque de l’ours (manifestement truquée, aussi réussie soit-elle, avec un animal manifestement virtuel, aussi réussi soit-il) a plus l’air d’être là pour que le spectateur s’extasie sur la performance technique que pour servir l’histoire.

Pourtant, en grand réalisateur qu’il est, Innaritu doit forcément savoir qu’au cinéma TOUT est signifiant, la moindre décision, le moindre plan, le moindre effet, et qu’on ne peut pas se réfugier derrière une explication thématique fumeuse pour justifier un procédé si particulier. S’il réussit son pari lors de certaines séquences, l’abus de plans-séquences et d’éléments conceptuels sur le reste du film nuit terriblement à la simplicité sèche du propos initial, qui disparaît derrière une démonstration de savoir faire ressemblant de plus en plus à de la prétention malvenue.

Malgré ses acteurs impeccables, malgré une photo magnifique et quelques éléments qui fonctionnent, Innaritu se perd de plus en plus dans un m’as-tu-vu orgueilleux balourd qui dessert le cœur de son film, et ça commence à se voir.

Et le pire dans tout ça, c’est que nous sommes à une époque tellement focalisée sur le visuel pur et la prouesse technique au détriment de l’efficacité cinématographique, que The Revenant et son réalisateur pourraient bien repartir avec de nouvelles statuettes dorées.

Note : 10/20

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=GMjAQ_-M4uA[/youtube]

Par Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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2 réflexions sur « The Revenant – La Vengeance est un Plat »

  1. Exactement du même avis. Je suis tombé sur la critique en cherchant the revenant branlette intelectuelle.
    Ce film est une demonstration d’autosuffisance genante. Le kanye west du cinema.

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