mars 19, 2024

The Danish Girl – Une Femme Comme une Autre

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De : Tom Hooper

Avec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw, Amber Heard

Année: 2016

Pays: Etats-Unis, Angleterre, Allemagne

Genre: Biopic

Résumé:

The Danish Girl retrace la remarquable histoire d’amour de Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930. Le mariage et le travail de Lili et Gerda évoluent alors qu’ils s’embarquent sur les territoires encore inconnus du transgenre.

Avis:

Avec la saison des récompenses (Oscars et Golden Globes), arrive généralement une flopée de biopics et d’histoires vraies. Le genre semble être le sujet de prédilection des cérémonies prestigieuses, et il est rare de découvrir une sélection (voire un palmarès) exempt de tout film « historique ».

Ces cinq dernières années ont vu passer pas moins que Fighter, The Blind Side, le Discours d’un roi, La Couleur des sentiments, The Social Network, La Dame de Fer, My Week with Marilyn, Argo, Zero Dark Thirty, Lincoln, Dallas Buyers Club, 12 Years a slave, American Bluff, Le Loup de Wall Street, Une Merveilleuse Histoire du temps, Big Eyes, et ce uniquement dans les catégories les plus importantes.

Et 2016 marque une année particulièrement prolifique en la matière puisqu’on y retrouve nommés des films comme Steve Jobs, The Revenant, Joy, Spotlight, The Big Short, Trumbo, Seul contre tous, et donc ce The Danish Girl.

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Le problème avec les histoires vraies au cinéma, c’est que bien souvent les réalisateurs ne savent pas sur quel pied danser, et semblent hésiter constamment entre révérence et dynamitage (et bien peu arrivent à trouver un juste équilibre comme David Fincher et son biopic sur Mark Zuckerberg). Soit ils tombent dans une effervescence un peu surfaite (un peu à la manière de The Big Short, qui multiple les idées et alourdit son propos), soit ils se contentent d’un classicisme académique sans risques, comme ce fut le cas pour le Discours d’un roi de Tom Hooper (ce qui ne l’empêcha pas de gagner l’oscar cette année là).

La transition est toute trouvée puisque Hooper est le réalisateur de The Danish Girl, et s’il ne concourt pas lui même pour une récompense suprême cette année, en revanche ses acteurs sont en lice dans leur catégorie respective (après avoir gagné l’oscar l’année précédente en ce qui concerne Eddie Redmayne).

Et comme on ne change pas un modèle qui a fait ses preuves, on se retrouve exactement devant la même configuration que pour Le Discours d’un Roi : Une performance d’acteur non négligeable, une histoire vraie historique ayant eu des répercutions importantes, et un académisme à toute épreuve tant dans le scénario que dans la mise en scène.

Se reposant sur son sujet en or comme sur une béquille, Hooper ne fait que suivre un chemin déjà tracé, et peine à insuffler à son histoire une énergie, une vision de metteur en scène. Difficile de trouver dans The Danish Girl un symbolisme ou un sous-texte qui ferait sortir le film de ses rails linéaires, et quand c’est enfin le cas, le réalisateur cède bien trop facilement à la tentation de surligner cet élément, comme s’il s’apercevait que celui-ci constituait son seul point d’ancrage dans la réflexion.

Loin d’être mal réalisé (au contraire, il serait même plutôt trop propre) le métrage échoue néanmoins régulièrement à apporter l’étincelle de vie et l’intensité que son sujet méritait. Et l’impression tenace que Hooper se repose un peu sur la puissance initiale de celui-ci se retrouve jusque dans la direction d’acteur, souvent incapable de transcender les capacités de ses comédiens, dans un film qui pourtant le nécessitait. Ainsi, il a beau s’entourer d’une pléiade d’artistes talentueux comme Eddie Redmayne, Sebastian Koch, Ben Wishaw, Amber Heard ou Mathias Schoenaerts, ceux-ci semblent curieusement en sous-régime, au moins pour une bonne partie du film.

Eddie Redmayne pourtant, finit par être fabuleux de fragilité et de doute dans le rôle de cette femme dans un corps d’homme qui découvre sa condition en même temps que le reste de la société, mais on sent bien une difficulté initiale à trouver la sensibilité juste et la subtilité nécessaire, appuyant légèrement trop chaque émotion ressentie. Il faudra toute la force de l’histoire racontée et le talent de l’acteur pour s’attacher peu à peu à lui malgré l’absence d’efforts de la part du réalisateur pour pousser sa prestation vers le haut.

Puis il reste le cas Alicia Vikander. Je n’ai personnellement toujours pas compris l’engouement pour cette jeune actrice. Certes investie et sympathique, la comédienne manque cruellement d’un réel charisme et d’une intensité naturelle, la poussant à forcer chacune de ses réactions jusqu’à la limite du surjeu. Et si on la sent portée, à mesure que le film avance, par le jeu de ses partenaires, peut-être plus expérimentés ou tout simplement plus talentueux qu’elle, elle a du mal à dégager, au-delà d’une interprétation proprette, le feu intérieur d’un personnage comme Gerda Wegener.

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Au-delà du strict jeu d’acteur, force est de constater que la structure du film n’aide pas vraiment à l’évolution des personnages. Gorgé jusqu’au goulot d’ajouts fictionnelles et d’arrangements avec la réalité historique (Einar Wegener était un homme disgracieux qui avait presque 50 ans quand il découvrit sa féminité alors que sa femme, qui n’avait que quelques années de moins, se demandait si elle n’était pas lesbienne, on est loin du couple glamour de jeunes gens magnifiques), The Danish Girl souffre aussi d’un rythme anarchique qui semble éluder les passages les plus intéressants pour s’attarder sur d’autres beaucoup plus redondants. Ainsi Tom Hooper fait presque passer à la trappe le combat d’Einar/Lily pour trouver des réponses à ses questions et une solution à son problème (un parcours pourtant rempli d’idées fortes, de désillusions et d’incompréhensions de la société), de même que le processus qui mènera à son changement de sexe, au profit d’une sous-intrigue amico-sentimentale inventée pour l’occasion qui semble surtout le prétexte à une reconstitution sympathique du Paris des années 20.

Considérée comme hystérique, homosexuelle, ou tout simplement schizophrène, Lili Elbe (comme elle finira par s’appeler) méritait une évolution plus intéressante, plus basée sur les faits que sur des scènes d’introspection trop souvent similaires faisant la part belle au jeu d’acteur. Comme si Hooper, conscient que son film deviendrait un potentiel prétendant aux oscars, voulait mettre toutes les chances du côté de ses comédiens en mettant artificiellement en avant leur prestation.

Ce qui sauve réellement The Danish Girl, c’est tout simplement son histoire, véridique, douloureuse et incroyable (et ce malgré les entorses régulières à la réalité). Pas étonnant que le réalisateur ait été tenté de se reposer dessus, tant elle transporte avec elle tout le souffle et toute la souffrance d’une catégorie de personnes très mal dans leur peau, que l’on nommera bien plus tard transgenres, et qui aujourd’hui encore endure autant une condition perturbante que le regard d’une société peu ouverte. Armée d’un courage fou, galvanisée par une forme de désespoir furieux, Lili doute, se questionne, découvre son état, l’assume, et finit par tout faire pour se sentir enfin femme, pour être enfin la personne qui correspond à son âme.

La chose la plus incroyable dans cette histoire, et donc dans le film, restera l’amour indéfectible que lui portera jusqu’au bout sa femme Gerda, d’abord désemparée, terrifiée, se sentant presque coupable d’avoir révéler à Lili sa condition par ce qui était initialement un jeu, puis pleine de tendresse, mais aussi de tristesse de voir son mari disparaître derrière Lili, avant de devenir une force de la nature, dévouée corps et âme au bien-être de son « âme-sœur » dans le sens le plus large du terme, quitte à devenir son amie la plus chère et plus son amante, propulsant la notion d’amour à un niveau rarement atteint dans l’Histoire.

Lorsque ces deux là sont ensemble, lorsqu’Alicia Vikander et Eddie Redmayne s’abandonnent totalement à leurs personnages, lorsqu’ils se retrouvent dépassés par la puissance de la réalité et que Tom Hooper lui-même s’efface humblement devant l’histoire qu’il raconte, alors seulement le film touche au sublime. L’alchimie semble se produire, le scénario s’affine pour ne garder que l’essentiel, les acteurs oublient de jouer pour ne plus qu’être, et même le réalisateur trouve la justesse émotionnelle indispensable (notamment lors d’une visite dans un « peep-show » parisien de l’époque qui fait preuve d’un incroyable souffle lyrique et charnel).

Dans ces moments là, de plus en plus nombreux au fil du film, et jusque dans une dernière scène douce et subtile, à la portée symbolique cent fois supérieure à la quasi-totalité du film, lors de ces instants magiques où l’équipe cesse de faire un « film à oscars » pour se contenter de raconter une histoire d’amour qui dépasse tout obstacle et toute difficulté, alors The Danish Girl devient un concentré d’émotion brute prompt à soulever les cœurs et monter les larmes.

Histoire magnifique, mémoires d’un cœur malmené, récit historique fascinant, le film demeure une expérience émouvante et porteuse d’une vérité nécessaire, malgré l’académisme prononcé d’un réalisateur qui tire son œuvre vers le bas, et un scénario à deux vitesses qui peine à s’appuyer sur les éléments les plus pertinents et préfère se disperser. Peut-être pas un prétendant solide à une récompense prestigieuse (ce qui expliquerait son absence dans la catégorie meilleur film et meilleur réalisateur des Oscars), mais définitivement une histoire importante à découvrir.

Note : 13/20

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Par Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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