avril 25, 2024

Aokigahara – La Forêt des Suicidés

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Résumé :

C’est au pied du Mont Fuji qu’on peut trouver Aokigahara, une vaste forêt, un cadre naturel sans égal… et où la plupart des suicides se produisent. La légende dit que les âmes des suicidés errent à jamais dans cet endroit, pris au piège des profondeurs mystérieuses de ces forêts anciennes.
Lorsque Masami, la petite amie d’Alan, se suicide dans ces bois, son fantôme rôde, bien décidé à hanter son ancien amour…

Avis :

Aokigahara. Derrière cette appellation énigmatique se cache l’histoire d’une forêt qui se voile sous des mystères tous plus étranges les uns que les autres. Surnommé à juste titre la mer d’arbres de par sa densité, ce lieu est connu pour accueillir le plus grand nombre de personnes suicidées au cours de ces dernières années. Et la courbe n’est pas descendante, bien au contraire. Plus que n’importe quel paysage sauvage et inquiétant, cet endroit est également l’objet de légendes digne de films d’horreur. Une créature dévorant les randonneurs, une horde de chauves-souris les étouffant, mais surtout des esprits qui ne peuvent reposer en paix.

Inutile de dire que le terrain est propice aux fantasmes de toutes sortes et dispose d’un potentiel incroyable pour faire se dérouler une histoire fictive en son sein. Et pourtant, les auteurs de cette bande dessinée ne font pas étalage du très vendeur « Inspiré d’une histoire vraie ». Ils se contentent d’exposer un récit âpre et pessimiste au possible sans une arrogance mal placée. Gabriel Hernandez (responsable de comics chez DC/Vertigo et Marvel, ainsi que d’autres productions) et Juan Torres (ou El Torres pour les intimes), amis de longue date, se réunissent de nouveau après Le voile des ténèbres (sortie prévue le 24 mai 2013) pour une excursion crépusculaire au pays du soleil levant.

Bien entendu, ce qui frappe dans une œuvre graphique est son visuel. On accroche ou pas, mais l’apparence d’une bande dessinée peut résumer à elle seule si l’on tournera les pages pour découvrir son histoire ou si on le délaissera pour un ressenti purement subjectif. Force est de constater que le duo possède un talent évident pour dépeindre un univers sombre, désespéré, à la limite du nihilisme. Les dessins sont appuyés et très identitaires. Les traits vaguement dégrossis dissimulent une véritable inspiration sur le sujet. Chaque case (de la plus grande à la plus petite) fait l’objet d’un soin tout particulier et décrit un certain état d’esprit.

En effet, leur dimension, leur succession plus ou moins aléatoire, laisse flotter les émotions, les errances et les peurs des protagonistes. Un procédé assez inattendu, mais qui fonctionne la plupart du temps de fort belle manière. Ainsi, on a l’impression que les sentiments sont ambigus et, de temps à autre, l’on peine à savoir l’identité de l’intéressé, tellement la tournure des phrases laisse place à l’interprétation. Les personnages sont peu nombreux, mais suffisamment développés et dissemblables pour qu’on s’y attache ou pas. Alan, à la fois tourmentée et prisonnier de ses erreurs. Masami, le désespoir (des)incarné. Ou bien encore Ryoko, la garde forestière, que l’on se prend à considérer comme une sorte de prêtresse shintoïste.

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Mais la véritable vedette est évidemment la forêt en elle-même. Là encore, la force de description cède la place à un environnement hostile, mystérieux et impénétrable. Étant donné qu’il s’agit d’un lieu réel, les auteurs lui sont restés fidèles jusqu’à en représenter certains détails en apparence anecdotiques. L’on citera pour l’exemple, les panneaux disséminés çà et là pour implorer les candidats au suicide d’y renoncer. Mais il y aussi le danger latent de la nature. L’entrelacs des branches et des racines, les ravins ou crevasses invisibles et la désorientation compte tenu de l’endroit. À cela, l’on compte également sur des couleurs ternes, presque mortes, pour exposer le manque de luminosité (les rayons du soleil n’y filtrent que très peu).

En ce qui concerne l’histoire en elle-même, les habitués des ghost-story asiatiques ne seront pas dépaysés. Les références sont nombreuses, les clins d’œil appuyés et parfaitement assumés. L’on songe principalement à The ring (cité au tout début), ainsi qu’à Shutter pour la relation d’Alan et de Masami. Les transitions s’avèrent subtiles et bien trouvées entre les différentes séquences de sorte que l’on dévore le livre d’une traite. La progression n’est pas du tout linéaire, mais l’on regrettera toutefois quelques flashbacks impromptus. Ceux-ci contribuent à épaissir l’aura malsaine, mais surviennent trop brusquement et s’achèvent avec la plus grande frustration. Qui plus est, la présence de Ryoko au début n’est pas des plus évidentes, même si cet écueil est rapidement corrigé.

Bref, Aokigahara est une bande dessinée qui s’adresse avant tout à un public adulte. De par sa thématique principale (le suicide), son atmosphère délétère, ses personnages désabusés et surtout de la violence qui en émane. Personne n’est épargné, pas même les animaux (chose moins louable et gratuite). On aura droit également à quelques séances de sexe. Les dessins évoquent de magnifiques fusains ou aquarelles avec un style très épuré pour mettre en exergue les propos avancés. Il en ressort une œuvre forte, pas exempt de maladresses, mais d’un intérêt certain. On attend avec impatience de voir le résultat porté sur grand écran… Pour ne rien gâcher, l’éditeur nous offre en postface un commentaire des auteurs, ainsi que quelques planches du Voile des ténèbres.

Note : 16/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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