avril 19, 2024

Le Pont des Espions – La Leçon de Spielberg

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Titre Original : Bridge of Spies

De : Steven Spielberg

Avec Tom Hanks, Mark Rylance, Scott Shepherd, Amy Ryan

Année: 2015

Pays: Etats-Unis

Genre: Thriller, Drame

Résumé :

James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion espion américain U-2 qui a été capturé.

Avis :

Steven Spielberg, c’est un peu le papa de bon nombre de cinéphiles. Petits ou grands, on a tous grandi, vu et aimé des films de Steven Spielberg. Mais depuis quelques années, alors que le réalisateur n’a jamais vraiment arrêté de tourner, il a plus de mal à convaincre. Son « Cheval de Guerre » a laissé énormément de monde indifférent (à tort), quant à « Lincoln » malgré son bon score au box-office, on ne peut pas dire qu’il ait convaincu les foules. Certains le disent fini, les studios n’y croient plus vraiment et du côté de la distribution, ce n’est pas mieux, puisque par exemple, ce « Pont des espions » se paye le non luxe d’avoir presque moitié moins de salles qu’un « Babysitting 2 » (ce qui est entre nous est un vrai scandale !), alors que ça faisait longtemps que le réalisateur n’avait pas reçu de la part des médias des critiques aussi élogieuses.

Pour certains irréductibles, un nouveau Spielberg (malgré les petits ratés que le réalisateur a pu avoir dans sa carrière) résonne toujours comme un événement dans nos salles. Un peu comme un cadeau de noël sous le sapin qu’on guette et dont on ne peut résister à ouvrir le plus vite possible.

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James Donovan est un avocat de Brooklyn spécialisé dans les assurances. Alors que le monde est plongé en pleine guerre froide, la CIA vient d’arrêter un homme, Rudolf Abel, un espion soviétique. Et c’est à Donovan que revient la tâche ingrate de défendre l’homme le plus détesté d’Amérique. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, un pilote, Francis Gary Powers, se fait capturer par les soviétiques, ainsi qu’un jeune étudiant. James Donovan qui a admirablement défendu Abel, malgré le rejet de l’opinion publique, est alors envoyé en mission secrète à Berlin pour négocier un accord en vue d’un éventuel échange de prisonniers.

Dans ce film, Steven Spielberg nous invite dans une plongée incroyable au sein de la guerre froide. Écrit par les frères Coen, « Le pont des espions » est un film en deux parties parfaitement tenues, passionnantes et distinctes l’une de l’autre. D’emblée, Spielberg nous entraîne dans une traque et son ouverture de film est prenante, on sent que « Le pont des espions » va être un sacré bon moment d’espionnage. Mais le réalisateur a plus d’un tour dans son sac et casse net ce moment pour se lancer dans un film assez procédurier. La première heure est un film de « tribunal ». Avec cette partie passionnante, le réalisateur décrit parfaitement l’hypocrisie des institutions qui veulent paraître bien-pensantes, offrant une justice égale pour tous, alors qu’elle est à deux niveaux. Le scénario est un tour de force et malgré le rythme lent que le réalisateur installe, à aucun moment on peut dire que l’ennui nous gagne. Bien au contraire, les dialogues sont superbes, les débats très intéressants, l’injustice flagrante et la tension présente en permanence. On sent à tout moment la lourdeur de ce conflit et comment cette ambiance de guerre pèse sur le public, le citoyen ou encore les magistrats. Le réalisateur prend aussi le temps qu’il faut pour développer la relation entre l’avocat et son client. Une relation de respect, de droit, d’admiration et de découverte.

En parallèle de toute cette procédure, et ce, avec une parfaite fluidité, Spielberg nous raconte comment la guerre d’informations fait rage. Comment le gouvernement alimente la psychose générale dès le plus jeune âge. Comment l’Amérique envoie elle aussi des espions prendre des informations en vue d’une préparation à une éventuelle attaque. Comment ce pilote va se faire prendre, dans une scène de crash aérien impressionnante. C’est l’une des meilleures jamais tournées, qui nous laisse littéralement scotché à notre fauteuil.

Puis arrive la seconde partie, celle des négociations pour peut-être récupérer ce pilote. Une partie géniale, tendue, intéressante. Une partie qui transforme le film en un véritable film d’espionnage. Faux semblants, troubles, manipulations, ici personne ne se fait confiance et en même temps, tout le monde a envie de se faire confiance. Tout le monde veut avoir de l’influence sur l’autre, veut diriger le jeu. Les relations sont tendues, et cette tension est palpable. À tout moment, on sent que chaque personnage peut tout perdre ou tout gagner. C’est terrible et cette tension, ce suspens, alors même que l’on devine comment va se finir la fin de cette négociation, tient jusqu’à sa fin. En plus de ces négociations, Spielberg n’oublie pas de nous parler d’un pays divisé en deux qui est en plein bouleversement. Un pays qui fait s’opposer deux visions du monde, ce qui donne un petit côté « documentaire » très intéressant.

« Le pont des espions« , de par son écriture, ses détails et son récit, est une claque, mais la dite claque va plus loin, puisque « Le pont des espions » c’est aussi la mise en scène de Spielberg. Et quelle mise en scène ! C’est une leçon de cinéma que donne le papa de « Jurassic Park« . Tout le film est d’une beauté incroyable. La photographie de Janusz Kaminski (le fidèle du cinéaste) est magnifique, élégante, et donne toute son ambiance au film. Idem pour les plans, les cadres choisis, les mouvements de caméra, Spielberg est inspiré et l’image est parfaite.

Mais le film contient deux défauts. Le premier, c’est l’absence d’une BO qui s’entend. Non pas que celle choisie ne soit pas belle, mais elle manque d’identité, dans le sens où elle accompagne bien le film sur l’instant, mais elle n’est pas marquante. Et l’on regrette un peu cela. On notera qu’elle n’a pas été composée par le fidèle John Williams, mais par Thomas Newman et ça s’entend. Et le suivant, c’est le point du vue qui fait que les Américains sont les bons et les Russes les mauvais. Par exemple, Abel, même s’il subit des injustices, est toujours « bien logé » et traité. On oublie surement de nous montrer les interrogations, peut-être musclées de la CIA réservé à l’espion soviétique, alors que de l’autre côté, même si Francis Gary Powers a le droit à un procès, ses conditions de détention ne sont pas du tout les mêmes. Et j’avoue que ce côté un peu lisse de l’Amérique m’a quelque dérangé et malgré l’amour que j’ai pour ce film et le cinéma de Spielberg, je ne prends pas tout ce qui est raconté (ou pas raconté) pour argent comptant.

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Enfin, c’est avec un immense plaisir qu’on retrouve Tom Hanks devant la caméra de son ami Spielberg. Tom Hanks qui se fait plutôt rare ces dernières années est l’homme qu’il fallait pour camper la générosité et l’investissement de James Donovan. Même si tout le casting est incroyable, passionné et passionnant, que Mark Rylance est une très belle révélation, on ne retiendra presque que le regard juste et criant de vérité de Tom Hanks, qui mérite bien une nomination aux Oscars cette année.

Je l’ai attendu amoureusement ce film, espérant passer un bon moment, et à la place de ça Spielberg m’a offert tout simplement le film de l’année ! En conclusion, « Le pont des espions » est purement l’immanquable de ce début décembre 2015.

Note : 19,5/20

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AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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