avril 19, 2024

Dans l’Oeil du Tigre

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Titre Original : Burning Bright

De : Carlos Brooks

Avec Garret Dillahunt, Briana Evigan, Meat Loaf, Charlie Tahan

Année: 2010

Pays: Etats-Unis

Genre: Thriller

Résumé:

Après la mort de sa mère, Kelly a pris en charge son petit frère Tom, 12 ans, qui est atteint d’autisme. Alors qu’elle s’apprête à rentrer à l’université, elle découvre que son beau-père a décidé d’engloutir toutes les économies de la famille, destinées au centre spécialisé de Tom, afin d’acheter un tigre et ouvrir un parc animalier. Un soir, sous la menace d’un puissant ouragan qui approche, la maison est entièrement barricadée et tous les accès clôturés. A leur réveil, alors qu’au dehors la tempête bat son plein, Kelly et son frère réalisent avec effroi qu’ils sont enfermés à l’intérieur de la maison, seuls …avec le tigre. Prisonniers du fauve affamé, dans l’oeil du cyclone, ils n’ont aucune issue. La chasse commence…

Avis:

On l’a dit, et on le répètera tant qu’il faudra, le DTV pète la forme. Particulièrement au niveau du film de genre et de la série B, assez mal représentés ces temps-ci au cinéma, tant et si bien qu’on se demande si le salut ne viendrait pas définitivement du dvd. Alors qu’on reléguait habituellement en vidéo les films pas assez bons pour s’offrir une carrière cinéma, les suites d’œuvres à succès mercantiles et autres pantalonnades de stars sur le retour, la mode semble revenir peu à peu à un véritable courant alternatif proposant ses propres succès, et fier d’une liberté de ton relativement plus importante que dans l’industrie des salles obscures. Humbles productions destinées dès le départ au marché du dvd ou volonté des distributeurs de choisir une carrière vidéo pour des films ayant connu les joies de la sortie salles dans leur pays d’origine, on tend à revenir à la glorieuse époque de la VHS qui voyait fleurir dans les vidéo-clubs l’impressionnante partie immergée de l’iceberg cinématographique.

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En ce temps là, on pouvait picorer dans les rayons action, science-fiction, fantastique ou horreur, et tomber régulièrement, entre quelques nanars et série Z, sur de véritables perles, loin des productions au rabais qu’aurait pu induire ce mode de production. Les budgets étaient souvent moindres, les intrigues minimalistes, et les huis-clos pullulaient. Un canevas très souvent utilisé par les slashers qui connaissaient une nouvelle jeunesse sur bande magnétique, et surtout par les films de monstres et autres animaux tueurs. Étrenné par le requin des Dents de la Mer, inspiré du phénomène d’animaux devenus géants déjà utilisé dans Them !, Tarantula ou les films de Bert I. Gordon, le concept connu un succès fulgurant, et tous les prédateurs y passèrent. Piranhas (dans le film du même nom de Joe Dante), orque (Orca), pieuvre (Tentacules), d’abord pour surfer sur la vague, puis pêle-mêle ours (Grizzly), Phacochère (Razorback), Chien (Cujo), singe (Link), dragon de Komodo (Komodo), alligator (dans le film éponyme), serpent (Anaconda) et même ver géant (Tremors) ont fait les quatre cents coups sur les écrans, et ont connu leur principale carrière en vidéo. Et je ne vous parle pas des invasions d’insectes, d’oiseaux et autres parasites.

Pourtant, si l’on excepte un Maneater de sinistre mémoire avec Gary Busey (vieux briscard du DTV) en 2007, on n’avait pas encore eu le plaisir de contempler les attaques d’un tigre rendu agressif par la faim, des produits chimiques, des manipulations génétiques, des mauvais traitements ou tout simplement une propension à attaquer tout ce qui bouge. C’est maintenant chose faite avec cet excellent Burning Bright, qui donne à sa créature une véritable aura maléfique tout en restant dans le plus pur réalisme animalier. Le danger est ici un tigre du Bengale tout ce qu’il y a de plus ordinaire, si ce n’est qu’il s’avère l’équivalent félin des psychopathes sadiques du règne humain (il a attaqué et dévoré vivant un cheval dans le cirque où il officiait), qu’il est affamé par son nouveau propriétaire, directeur d’un Safari Ranch qui veut ainsi lui apprendre qui est le patron, et qu’il va se retrouver enfermer un jour de tempête dans une maison scellée où séjourne une jeune femme et son petit frère. Un canevas limpide, presque simpliste, et qui pourtant s’avère d’une tension et d’une profondeur insoupçonnées tant scénariste comme réalisateur s’appliquent à faire les choses avec application et inventivité.

La première qualité de Burning Bright, c’est son équilibre entre un prologue qui prend son temps, et des péripéties qui s’enchaînent ensuite sans aucun temps mort ni tunnel de dialogues (il faut dire que le nombre très restreint de personnages et l’immédiateté du danger ne permettent pas de longues discussions au coin du feu). Il faut attendre 35 minutes (sur un total très resserré d’1h17) avant de voir la situation se déclencher, et pourtant on ne soupire jamais en attendant la première attaque. Lentement, mais sûrement, on met en place le background et l’aura du « méchant », on présente les personnages et leurs caractéristiques, on détaille la situation qui mènera à l’intrigue et aux différentes péripéties, on passe en revue les différentes pièces de la maison, dans laquelle les protagonistes comme le spectateur seront ensuite confinés pendant presque 45 minutes, bref, une vraie exposition dans les règles de l’art qui passionne plus qu’elle ne fait patienter. Le phénomène sera judicieusement inversé dès l’apparition de la bête dans les couloirs de la bâtisse. C’est simple, cela n’arrêtera plus jusqu’à la fin, le scénario alternant tension latente et coups de stress, recherches d’une échappatoire et attaques sauvages, sans jamais tomber dans la redite ni dans le n’importe quoi peu crédible. Quand bien même on se douterait qu’ils en sortiront vivants, on a peur pour les protagonistes, on acquiesce aux décisions, et on est surpris même, parfois, de la tournure que prennent les événements. Là où des scénaristes laxistes auraient préférer garnir le film d’attente, d’introspection et de dialogues explicatifs, celui de Burning Bright va toujours à l’essentiel, et passe en revue toutes les possibilités permises par le canevas de départ, les caractères des protagonistes et les différents recoins de la maison, rappelant du coup sur certains points le huis-clos également minimaliste de The Collector.

La seconde qualité du film, c’est le traitement appliqué à ses personnages, qui sert non seulement à l’identification, et donc à l’implication du spectateur, mais également à donner du poids aux péripéties, ou a en créer de nouvelles. Kelly, l’héroïne (Briana Evigan, actrice charismatique et investie déjà aperçue dans Sexy Dance 2, Donnie Darko 2 et le slasher Sœurs de sang), femme forte et prête à se sacrifier pour remplacer sa mère fraichement suicidée face à un beau-père dilettant, s’avère au final une véritable McGyver au féminin, intuitive et décidée face au danger, mais qui reste une simple jeune fille. Ni complètement teubée (comme malheureusement la plupart des personnages de ce genre de film), ni soudainement membre des SWAT experte en combat rapprochée qui défierait la gravité sans craindre les coups, elle alterne les réactions judicieuses ou idiotes sous l’effet du stress, comme le ferait n’importe lequel d’entre nous. Son excédent de courage et de témérité, elle la doit au personnage de son frère Tom (Charlie Tahan, le gamin de Je suis une légende), autiste de naissance, et donc absolument pas conscient du danger qui l’entoure, ce qui en fait un McGuffin parfait pour l’héroïne, et permet par ses réactions imprévues un stress supplémentaire chez le spectateur. Son rapport aux choses et au deuil de sa mère permet même de glisser quelques touches d’émotion au milieu des péripéties qui servent le récit sans jamais être envahissantes. Garret Dillahunt, en beau-père lâche et veule, termine ce trio qui tient le film sur ses épaules.

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Enfin, la troisième qualité du film, c’est sa réalisation qui, si elle ne dépasse pas l’étroitesse d’un budget qu’on imagine serré malgré le concept minimaliste, est d’une fluidité et d’une précision exemplaire, tant est si bien qu’on a constamment peur pour nos deux héros, quand bien même le tigre et les acteurs ne seraient quasiment jamais dans le même plan ! La magie du montage officie à merveille, alternant enchainement métronomique de plans lors des confrontations et longs plans-séquences flottant lors des scènes plus calmes qui tournent presque à l’infiltration façon Tom Clancy. Un stratagème qui permet de comprendre la topographie des lieux et de ne jamais être perdu, à une époque où les artisans du cinéma manquent cruellement d’un tel savoir faire. Quant à l’animal en lui même, il est magnifié dès les premières séquences, et devient rapidement une bête tapie dans l’ombre qui impressionne avant même d’être visible. On voit la conséquence de ses attaques, on ressent sa présence dans la maison, on entend ses grognements ou le bruit de ses pattes sur le plancher de l’étage, il apparaît telle une véritable créature de cauchemar qui rôde à la recherche de proie, sans que le réalisateur (Carlos Brooks, dont c’est seulement le deuxième film) n’ait besoin d’en rajouter dans la côté sauvage et violent, et lorsque il apparaît enfin à l’écran, un simple regard appuyé suffit à faire monter la tension et à bien faire comprendre que ce coco là ne rigole pas. Il se dévoilera progressivement tout au long du film, en parallèle avec l’évolution de Kelly et son implication, jusqu’à une confrontation finale qui, même si elle réserve quelques surprises, s’avère douloureusement abrupte et expéditive.

C’est bien le moindre défaut d’un excellent film de « monstre », prenant, intelligent et fluide, comme on aimerait en voir plus souvent, à défaut des salles de cinéma, au moins dans les bacs à dvds de notre boucherie préférée.

Note : 18/20

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Par Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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