mars 19, 2024

La Ligne Noire – Jean-Christophe Grangé

9782253116592

Auteur : Jean-Christophe Grangé

Editeur : Le Livre de Poche

Genre : Thriller

Résumé :

Ancien champion de plongée en apnée, Jacques Reverdi est arrêté en Malaisie. Convaincu de meurtres sadiques – il saigne à mort ses victimes, des jeunes femmes -, il risque la pendaison.
A Paris, Marc Dupeyrat, ancien paparazzi reconverti dans le fait divers sanglant, se prend de fascination pour lui. Afin d’obtenir ses confidences, il va inventer une femme, dont le criminel tombera amoureux du fond de sa prison, et à laquelle il prêtera les traits de Khadidja, le mannequin en herbe que déjà se disputent publicitaires et photographes.
Commence alors, de Paris à l’Extrême-Orient, une longue odyssée au cœur de la violence et du mal, qui mènera le journaliste bien au-delà de ce qu’il pouvait imaginer?

Avis :

Après s’être attaqué de manière efficace aux loups gris, groupuscule prônant le nationalisme turc, Jean-Christophe Grangé enchaîne sur un cinquième ouvrage qui marque le premier tome d’une trilogie sur le mal. Sujet ô combien prisé par les spécialistes du thriller et qui coïncide avec le travail de Maxime Chattam et ses trois premiers romans qui composaient La trilogie du mal. Afin d’éviter tout amalgame entre les deux auteurs et leurs œuvres respectives, on ne reviendra pas sur ce lien qui unit le présent livre et ses successeurs. Hormis quelques clins d’œil, le thème général et les réflexions qui en découlent, les livres de Grangé peuvent être parcouru indépendamment, et ce, contrairement à son confrère où l’on suivait les investigations d’un certain Joshua Brolin.

Bien que l’histoire commence sur un meurtre sauvage dans des contrées exotiques, l’on s’attend à une éventuelle exploration des bas-fonds parisiens. Avec La ligne noire, le dépaysement est de rigueur. Certes, l’on aura droit à quelques incursions de la capitale française, mais sur un ton beaucoup plus léger et surfait : le monde des paparazzis et des photographes de mode. Entre superficialité et hypocrisie, l’ambiance est parfaitement retranscrite afin de mépriser ce milieu. Toutefois, cet élément occupe une part secondaire, pour ne pas dire anecdotique de l’intrigue. Le nœud central se focalisera là où excelle l’auteur. Autrement dit, dans les affres de l’âme humaine.

Qu’il s’agisse de la Malaisie ou du Cambodge, le cadre exotique est détaillé sans jamais sombrer dans la complaisance. Les descriptions se montrent aussi percutantes qu’évocatrices de l’aspect urbain ou rural des pays susmentionnés. En ce sens, l’on retrouve le talent presque naturel pour développer une atmosphère sombre et épaisse destinée à emporter le lecteur sur les traces des protagonistes. Les horreurs du passé, le présent désenchanté ou la promesse d’un avenir encore pire se côtoie dans une moiteur permanente où tout semble permis. En cela, La ligne noire jouit d’une ambiance forte et singulière.

Pourtant, ce n’était pas chose facile étant donné que la première partie du récit peine à convaincre. Les interminables flash-back de Marc Dupeyrat (le journaliste) pour donner une consistance au personnage et sa correspondance avec Jacques enlisent rapidement la progression dans une routine lénifiante. Un constat alarmant souligné par le destin de ce tueur en série qui fait se rencontrer Le grand bleu et Midnight express version asiatique. Au-delà du climat qui règne dans la prison malaise, on remarquera des ficelles propres au chef d’œuvre d’Alan Parker : le geôlier pervers et sadique, l’avocat bedonnant qui a toujours de « bonnes nouvelles » sous le coude ou le quotidien carcéral.

Autant de références qui s’apparentent à des clichés malvenus pour enclencher la machine plutôt que des hommages subtils au sein d’une intrigue originale. Fort heureusement, la seconde moitié gagne en intérêt avec le départ pour la Malaisie de Marc où ses recherches prennent une tournure tangible et donc dangereuse. À partir de là, les énigmes dynamisent le rythme. L’on vaque de mystères en découvertes pour le moins inattendues. Le suspense s’accroît tandis que l’attention du lecteur est grandement sollicitée. Malheureusement, le milieu du récit cédera la place à une conclusion à l’image de la première partie : décevante.

Le dénouement s’étire en longueur inutilement en rallongeant la vie de notre tueur en série adepte des fonds marins. Victime du syndrome de l’increvable, il multiplie les retours fracassants à grand renfort de pseudo-révélations finalement prévisibles. Un réalisme sérieusement mis à mal quand on regarde plus en profondeurs quelques détails qui véhiculent des messages pour le moins discutable. Par exemple, les chômeurs sont des hommes oisifs (comprenez des bons à rien). Enfin, sachez que les aspirations de Marc pour devenir romancier relèvent du fantasme. À moins d’un coup de piston phénoménal, aucun éditeur n’accepte de promouvoir un livre (si bon soit-il) sur la simple base d’un synopsis. D’ailleurs, ledit best-seller annoncé sera conçu en un mois (20 pages par jour) et publié en seulement trois mois avec une campagne publicitaire anthologique pour un premier ouvrage. Même pour les besoins de sa propre histoire, ce genre d’absurdités fait vraiment tache pour un écrivain confirmé comme Grangé.

Il demeure également des protagonistes nettement plus ambigus que pour son précédent roman. Les caractères sont dégrossis avec patience, bien qu’il ait été plus judicieux de ne pas multiplier des retours en arrière parfois inutiles ou trop longs. Si le devant de la scène est occupé par des individus de choix, tantôt intrigants, tantôt détestables, les seconds rôles marquent moins les mémoires. La faute à des interventions éparses et irrégulières qui les empêchent de trouver leur véritable place au sein du récit. On reste tout de même avec une gamme de personnages ambivalents et curieux qui amènent autant d’interrogations que les méthodes de Jacques.

Au final, La ligne noire est un thriller en demi-teinte. Malgré un début discutable où les prémices de l’histoire devenaient rapidement lassantes et répétitives, la seconde partie rehausse le niveau. Les investigations se révèlent immersives dans un cadre non moins singulier. L’on saluera la subtilité des énigmes laissées par Jacques et l’envoûtant parcours de Marc dans le Sud-est asiatique. Néanmoins, la conclusion revient dans les travers amorcés par l’entame et se permet des raccourcis faciles sujets à débats. En dépit de son atmosphère sombre et glaciale face à la sauvagerie humaine, ce Grangé peine à convaincre avec sa trame qui voit se succéder les fulgurances aux séquences plates, voire inintéressantes. Dépaysant, mais trop inconstant pour susciter l’engouement.

Note : 12/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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